14
Un homme à abattre
Le 24 Mars 1998
Il est vrai qu’il m’est arrivé de bien drôles de mésaventures et c’est le moins que l’on puisse dire. Mais celle-ci est, je pense la pire. En effet, tout laisse à penser que l’on a voulu m’éliminer physiquement.
Tout commence ainsi. Je quitte mon bureau situé au 6 rue d’Umont Durville à la Garenne Colombes (92). Je suis en compagnie de mon grand frère Mohamed lequel n’a pas de voiture, je lui propose donc de le déposer chez lui, il habite une cité non loin de là à Nanterre.
A cette période je préparais mon livre intitulé « L’Islam Made in France » et il faut croire que les écoutes téléphoniques ont informé les R.G de cette publication. Ces derniers ont probablement estimé que ce livre ne devait en aucun cas paraître, c’est comme cela en tout cas que je l’ai compris.
Je pose mon ordinateur sur la banquette arrière de mon véhicule ainsi que mon cartable, je prends la route il n’était pas très tard, probablement aux environs de 22 heures.
Nous bavardons de tout et de rien, arrivés à un feu rouge situé avenue Julio Curie, je regarde sur ma gauche tout en tournant ma tête en arrière, j’aperçois une voiture non pas suspecte c’était une Citroën A.X. de couleur grise, mais disons que j’ai eu une drôle de sensation. Le problème avec moi est que les impressions, les sensations, ce n’est pas trop mon truc, j’aime le concret c’est mon caractère. L’avenir m’a toujours prouvé que je devais me fier à mon instinct. Je disais donc que cette A.X. avait quelque peu attiré mon attention. Les occupants étaient au nombre de quatre ou cinq, dont une femme. Le regard de cette dernière avait croisé le mien. Ils étaient très prudents, puisque je ne les avais pas repérés avant ce moment, de plus, bien évidemment, ils s’étaient gardés de se positionner derrière moi ou à mes côtés. Au moment où je les ai repérés ils étaient sur la file à ma gauche et derrière une ou deux voitures.
Théoriquement, je ne pouvais les voir, il est évident que peu de conducteurs arrêtés à un feu rouge tourne leur tête d’un demi-tour.
J’aperçois sur l’autre file à gauche de cette A.X. mon ami Karim qui a pris la file à l’extrême gauche afin d’emprunter l’avenue Pablo Picasso pour se rendre chez mes parents. Je lui fais un petit sourire, le feu passe au vert, je tourne à droite et ne tarde pas à entrer dans la cité dite « Berthelot ». Je me gare en bas de l’immeuble où habite mon frère, et papote avec lui. En réalité, lui parle et moi qui par respect l’écoute, sans lui montrer aucun signe de mon impatience. C’est ce que j’appelle le respect du sang et de l’âge. Au bout d’une vingtaine de minutes environ, il finit par me dire « allez salut », ouf ! En général le soir venu je suis très fatigué, j’aime rentrer chez moi et me reposer. Je retrouve un moment de calme. Ce que j’ignorais c’est que j’étais suivi depuis la rue d’Umont Durville et le calme je n’allais pas le trouver ce soir, bien au contraire…
Je reprends donc la route pour rejoindre l’autoroute A 86 qui mène à l’A 15 afin de rejoindre Pontoise (95), où ma fiancée habitait.
Au moment où j’emprunte le virage qui mène à l’autoroute A 15, la fameuse A.X. vient à ma hauteur et me fait des queues de poisson non pas à l’avant de mon véhicule, mais sur le côté gauche de celui-ci. J’ignorais qui étaient les occupants et ce qu’ils me voulaient. Je pris donc peur et décidais d’accélérer. Je sème cette A.X. puisque j’étais en B.M.W. Arrivé à la sortie Pontoise, j’actionne mon clignotant et regarde dans le rétroviseur, j’aperçois au loin une voiture qui fait de même, mais je n’étais pas bien sûr qu’il s’agissait de la fameuse A.X. Je décide donc de continuer tout droit. La voiture en fait autant, il n’y avait plus de doute, l’A.X. était encore derrière moi. J’oubliais de dire qu’entre temps je prenais le soin d’appeler mes amis qui me conseillèrent de faire demi tour, ce que je fis. Pendant ce temps, Karim partait à ma recherche.
Je fis demi tour et sortis de l’autoroute à Argenteuil. Arrêtée à un feu rouge, une voiture de type utilitaire vient me fermer le passage et rebelote, j’actionne la première et fuis, j’emprunte des rues en sens inverse, grille des feux rouges, et arrive au pont d’Asnières non loin du pont de Clichy. J’avais semé mes poursuivants et m’interrogeais, « qui sont ces gens et que me veulent-ils ?»
Alors que j’étais arrêté à un feu rouge en pleine méditation, un camion de police vient en sens inverse et passe à côté de moi, je regarde dans le rétroviseur, et constate qu’il essaye tant bien que mal de faire demi-tour, cela ne m’inquiète nullement puisque, d’une part je n’ai rien à me reprocher et d’autre part, j’avais même envie d’aller les voir. Je voulais voir la police et bien j’allais être servi. Pas moins de vingt voitures de police arrivent de toute part, on me sort de la voiture, me jette au sol si violemment que mon jeans se déchira au niveau des genoux, me menotte et me jette dans le car de police.
A ce moment un flic en civil monte dans le camion et commence à me porter des coups, je ne comprenais rien à rien. J’allais tranquillement pour rentrer chez ma fiancée et je me retrouve face à cette noria de voitures de police et en plus on me porte des coups ! Un policier qui était présent dans le fourgon s’interposa et cria à l’inspecteur « arrêtez ça !» Son geste m’a touché, une confirmation qu’ils n’étaient pas tous les mêmes.
Enfin, le camion démarre et m’emmène je ne sais où. Le policier qui s’était interposé me dit « Qu’est ce que tu leur as fait ? » Je lui réponds « Rien » ! Il me rétorqua « Arrête de te foutre de ma gueule ». Ce dernier avait en effet vu à quel point le flic s’était acharné sur ma personne, cette haine ne pouvait venir que d’un rapport de force qui s’était déroulé entre nous. Ce qui bien évidemment était inexact.
Naturellement, j’aurais peut-être eu la même réaction à sa place. Ensuite je lui dis « Où va-t-on ? », « A Nanterre » me répondit-il. Je ne comprenais rien à rien, les explications n’allaient pas tarder à venir.
Nous arrivons au commissariat de Nanterre, on me monte chez les stups, les stups, pourquoi les stups ? Qu’est ce que j’avais affaire avec les stups ? Là encore je ne comprenais rien, mais n’allais pas tarder à comprendre, un peu de patience.
On commence à me fouiller ainsi que mon cartable. On parcourt mon livre de comptes, puis un flic me dit « Ah c’est quoi ces sommes? », sous entendu, « on pourrait faire croire que tu vends de la drogue ». On me met à poil et à même le sol, après cette humiliation les questions commençaient.
« Pourquoi tu vas pas faire ça dans ton pays ?» « Quoi ça ?», « La religion ! ». Et je compris, des stups qui parlent de religion c’est pas ordinaire et la discussion ne tournera qu’autour de ce sujet. Je finis par dire à l’un d’eux « J’ai compris le message ». Cela voulait dire que je devais arrêter mes activités sinon …En fait, ce service connu pour être à la limite de la légalité, a été contacté par je ne sais quel autre service de l’Etat, afin d’essayer de m’éliminer, oui j’ai bien dit éliminer et vais expliquer pourquoi je crois en cela.
On m’emmène pour procéder à la fouille de ma voiture. Les flics constatent la présence de l’ordinateur et me disent « Et si on détruisait tout ce qu’il y a dedans » c’est à dire le livre, je leur répondis « Eh ben allez-y » quand tout à coup à mon grand étonnement un flic « trouve » un morceau de shit et me demande « C’est quoi ça ! ». Je lui réponds « Ca c’est à vous et vous venez de le mettre dans la voiture ». En effet, je ne fume pas ni mes amis.
Tout ça semblait encore un peu flou, pourquoi la voiture de police l’A.X. n’a-t-elle pas actionné son gyrophare à Nanterre pour m’arrêter ? Pourquoi avoir attendu d’entrer sur l’autoroute pour me faire des queues de poissons et sans décliner à aucun moment leur identité ? Il faut quand même préciser qu’il s’est écoulé au moins une heure entre le moment où ces policiers m’ont suivi depuis la Garenne Colombes et celui où ils ont décidé de me faire fuir ! Pourquoi ce morceau de shit ? J’avais l’esprit embrouillé mais avec un peu de réflexion les choses parlent d’elles-mêmes.
Le lendemain on m’emmène faire une perquisition à mon bureau cette perquisition a été justifiée par le parquet en raison du morceau de haschich « découvert » dans ma voiture, c’est donc ça ! En effet, sans l’existence de ce morceau de haschich les flics n’auraient pu demander au procureur l’autorisation de perquisitionner. Nous étions avant la « découverte » de ce morceau de stupéfiant, en présence d’infractions au code de la route, or ce cadre juridique ne leur permettait pas de procéder à une perquisition . Alors qu’avec le fameux morceau de shit, ils pouvaient « légalement » venir une fois de plus, fouiller et fouiner comme à leur habitude.
Arrivés devant le local, coup de pompe dans la porte elle s’ouvrit immédiatement elle en avait vu tellement !
Et là étrangement, l’équipe des stups ne bouge pas, ce sont d’autres policiers de je ne sais quel service, qui fouillent les papiers de façon minutieuse. Qui étaient ces flics ? R.G. probablement. Et une fois que ces derniers avaient fini leur boulot, ils n’avaient bien évidemment rien trouvé, un « stup » prend une boite de riz, la renverse et dit : « Maintenant on va faire la perquisition des stups ». Là encore et bien évidemment, ils n’allaient rien trouver, on quitte alors mon local pour le commissariat.
Fin de la garde à vue, on m’emmène pour être jugé en comparution immédiate. Théoriquement je devais aller en prison puisque l’on me reprochait la mise en danger de la vie d’autrui et la tentative de fuite.
Ecoutons à présent la version de la police.
La police prétend être stationnée dans la cité Berthelot cité dite sensible un peu comme toutes les cités de la banlieue parisienne. Elle voit une B.M.W. de couleur noire arriver, elle leur semble interlope, peut-être des trafiquants de drogue se dit-elle. Elle décide donc d’effectuer un contrôle d’identité cependant la B.M.W. refuse de s’arrêter. La police la prend donc en chasse actionne le gyrophare une course poursuite s’en suit, finalement la B.M.W. sera arrêtée à l’endroit où l’on m’a interpellé. La police a ajouté qu’il y avait deux occupants dans le véhicule et que durant la course poursuite j’en avais profité pour le « larguer ».
Cette version est bien sûr complètement fausse. La police m’a comme je l’ai dit, suivi non pas à partir de la cité Berthelot, mais depuis mon local à la Garenne Colombes. De plus, l’A.X. n’a jamais actionné son gyrophare sinon je me serais arrêté, je n’ai jamais fuit un contrôle de police, je dis bien jamais. Mais tout cela fut un coup monté et je vais donner la raison de cette machination.
Comme je l’ai dit, la police m’a suivi depuis mon bureau si elle avait voulu m’arrêter elle aurait pu le faire autant de fois qu’elle le souhaitait, mais justement elle ne voulait pas m’arrêter bien au contraire, on a attendu que j’arrive à un endroit en l’occurrence le début de l’autoroute A 15 pour me faire les espèces de queues de poissons qui n’avaient pas pour but de m’arrêter. Car une fois de plus, si l’on avait réellement voulu m’arrêter on aurait pu le faire dès la Garenne Colombes ou à Nanterre.
On ne l’a pas fait, parce que le but était justement de me faire fuir et c’est ce que j’ai fait.
Pourquoi désirait-on me faire fuir ? Tout simplement dans l’espoir de provoquer une bavure policière, des gens pour beaucoup moins que cela ont pris une balle dans la tête, mais ce complot grâce à Dieu a échoué.
Sinon comment expliquer que ces policiers n’aient à aucun moment actionné leurs gyrophares pour faire connaître leur qualité ? Pourquoi m’avoir suivi depuis la Garenne Colombes ? Pourquoi avoir attendu environ vingt minutes après avoir déposé mon frère, puis reprendre la filature jusqu’à l’entrée de l’autoroute A 15, pour non pas m’arrêter, mais m’effrayer afin que je prenne la fuite ? Cela prouve bien que l’objectif n’était pas de m’interpeller mais de me faire fuir. Et la seule hypothèse qui subsiste, demeure dans l’intention de provoquer une bavure.
Sinon pour quelle raison auraient-ils agi ainsi ? Pour ma part je n’en vois aucune autre.
Je tiens à dire que ces mêmes flics ont comparu (voir annexe) devant le tribunal correctionnel de Nanterre le 26 juin 2003. Ils étaient poursuivis pour je ne sais quelle magouille et sont de plus, défavorablement connus. Je comparais donc selon la procédure de comparution immédiate. Ma s½ur est présente, les flics aussi, afin de mettre la pression. Ils étaient présents comme des victimes, ils jouaient tellement bien leur rôle que pour peu on leur aurait remis une médaille.
De toute évidence, je devais aller en prison, on m’avait mis en prison pour beaucoup moins que ça ! Je fais allusion à l’affaire des pakistanais, alors là pour avoir tenté de fuir la police, pour avoir grillé des feux rouges, avoir pris des rues en sens inverse, il n’y avait pas de doute, ce soir je dormirai une fois de plus en prison.
J’étais dans le box des accusés, la juge au vu des seuls éléments du dossier décida de me placer sous contrôle judiciaire, assorti de l’obligation de verser une caution. Je dis au vu des seuls éléments du dossier, car n’oublions pas le fameux sous-dossier. En effet, si on lui avait remis ce dernier, l’issue en aurait peut-être, sûrement été toute autre.
Je sortais donc libre du Tribunal de Nanterre, libre certes, mais pas pour longtemps. Je fus ultérieurement condamné pour cette affaire à huit mois de prison avec sursis, alors que j’étais innocent.
On veut m’assassiner, on me tape dessus, on m’humilie en garde à vue et en plus je suis condamné à huit mois avec sursis ! Drôle de justice !
extrait du livre "comme dans un film" de Metmati Maamar