Le jeûne de 'Ashourâ' est une
pratique païenne
abandonnée par le Prophète
Près d'une vingtaine de hadiths des
Sahîh-s de Bokhârî et de Moslim disent explicitement que le jeûne de 'Ashourâ' est une pratique de la djâhiliyya (!!!). On peut y lire, par exemple, que "
les Qorayshites jeûnaient le 'Ashourâ' dans la djâhiliyya ou encore, d'après 'Aïsha, que ‘l'on jeûnait le 'Ashourâ' dans la djâhiliyya", etc. (
Sahîh Bokhârî, bâb siyâm yaom 'Ashourâ' et
Sahîh Moslim, bâb saom yaom 'Ashourâ').
Qui plus est, après l'islam et la prescription du mois de Ramadân ce jeûne ne fut pas du tout recommandé par le Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens, mais simplement laissé à la libre appréciation des gens: "
On jeûnait le 'Ashourâ' dans la djâhiliyya, et lorsque vint l'islam, celui qui voulait le jeûnait et celui qui voulait le délaissait" ou encore: "
lorsque le Ramadan fut prescrit, celui qui voulait jeûnait le jour de 'Ashourâ' et celui qui voulait ne jeûnait pas" (
les deux d'après 'Aïsha,]Sahîh Moslim, vol. 2 p.792, bâb saom yaom 'Ashourâ', hadith 1125/3 et 1125/4).
Bref, pour cette série de hadiths de
Moslim, le jeûne de 'Ashourâ' est une pratique djâhilienne que le Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens, aurait finalement tolérée
sans la recommander et sans la pratiquer lui-même (en tout cas après la prescription du mois de Ramadân). Un hadith de
Moslim (p.793, hadith 1126/2) énonce cela de la bouche même du Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens, qui aurait dit à propos du 'Ashourâ':
"
C'était un jour que les gens de la djâhiliyya jeûnaient, donc celui d'entre vous qui aimerait le jeûner n'a qu'à le jeûner et celui à qui cela ne plaît pas qu'il le délaisse."
Et ces hadiths précisent bien que le Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens, était de ceux qui abandonnèrent ce jeûne
(taraka 'Ashourâ', p.792, hadith 1125/2; tarakaho, p.794, 1127/1, 1127/2, etc.).
L'histoire bidon du 'Ashourâ'
juif
Mais voilà que les choses se compliquent, car un autre groupe de hadiths de
Moslim ne rapportent plus du tout l'origine du jeûne de 'Ashourâ' aux pratiques des arabes païens, mais à celles des juifs de Médine (!!), voire de Khaybar (!!!)
(Sahîh Moslim, bâb saom yaom 'Ashourâ' , vol. 2 p.795-797). Selon cette série de hadiths, lorsque le Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens, arriva à Médine lors de son hégire, il trouva les juifs de la ville en train de jeûner le 'Ashourâ'. Interrogés sur la raison de leur jeûne, ils lui dirent que c'était le jour où Dieu avait sauvé Moïse et les Enfants d'Israël et noyé Pharaon, et qu'ils jeûnaient donc pour remercier Dieu de cela, comme le fit Moïse. Le Prophète aurait alors déclaré que "nous sommes plus proche de Moïse que vous" et ordonné de jeûner ce jour.
Ce groupe de hadith vient donc poser de multiples problèmes:
1. D'abord, il est clairement en contradiction avec le premier groupe et les auteurs sunnites qui se rendent bien compte que "çà cloche" mais voudraient bien tout de même arriver à sauver les apparences font d'assez amusantes acrobaties pour arranger la sauce, sans être le moins du monde convaincant. D'ailleurs, quoi qu'il en soit, et à supposer que l'on veuille bien se laisser convaincre, qu'y gagnera-t-on? Qu'en définitive, la pratique du jeûne de 'Ashourâ' apparaît comme une sorte de bâtard né d'un croisement entre paganisme et judaïsme (!!!)
2. Le Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens, est arrivé à Médine au mois
de Rabî' Awwal (la date fait apparemment unanimité chez tous les historiens) et pas du tout au mois de Moharram. Il ne pouvait donc pas "
trouver les juifs en train de jeûner le 'Ashourâ'"
(fa-wadjada l-yahouda siyâman yaoma 'Ashourâ')
(Moslim, v.2 p.796, had. 1130). Il est d'ailleurs amusant de voir que le hadith 1130 nous dit que c'est en raison du jeûne des juifs de Médine que le Prophète ordonna de jeûner le 'Ashourâ', tandis que le hadith 1131 affirme que c'est en raison du jeûne des juifs de Khaybar. On voit qu'on nage en pleine pagaille.
3. Certains savants ont cru se tirer d'affaire en disant que ce n'était pas au moment même de son arrivée à Médine que le Prophète trouva les juifs jeûnant le 'Ashourâ', mais que c'était "
après être arrivé à Médine". Comme le Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens, est arrivé au mois de Rabî', cela signifierait qu'il aurait attendu presque 1an (10 mois exactement) avant de les voir jeûner. Mais alors pourquoi tous ces hadiths s'expriment-ils de manière tout à fait incorrecte en disant que c'était "
lors de son arrivée à Médine"?
4. Les juifs jeûnent effectivement le dixième jour de l'année juive qui est le Yom kippour (10 Tishrin), mais ce jour de jeûne n'est pas en commémoration de la sortie d'Egypte, car cet événement majeur de l'histoire des Enfants d'Israël est commémoré par la Pâque juive Pesah), et non par le Kippour. Remarquons à ce propos que la
commémoration de la sortie d'Egypte n'est pas du tout l'occasion d'un jeûne, mais au
contraire du sacrifice et de la consommation d'un agneau pascal (qorban Pesah). Il y a donc une grave confusion dans tous ces hadiths entre deux commémorations juives qui n'ont absolument rien à voir et sont situées à environ 6 mois l'une de l'autre.
5. Une simple comparaison des calendriers musulman et juif suffit pour constater que, aussi bien l'année de l'arrivée du Prophète à Médine que l'année d'après (ne
soyons pas trop exigeants), le jour de 'Ashourâ' (10 Moharram, correspondant aux 11 et au 12 Av) ne correspondait ni au Yom Kippour (le 10 Tishrin, soit 2 mois après) ni à la Pâque (du 14 au 21 ou 22 Nissan, soit 4 mois avant). Du coup, ce n'est plus de pagaille qu'il faut parler dans ces hadiths, mais de véritable patinage dans la choucroute!!!
6. Par contre, la même comparaison élémentaire suffit pour constater que
l'année de l'arrivée du Prophète à Médine, le Yom Kippour (10 Tishrin) correspondait au lundi 9 Rabî' Awwal. Or, on a vu que les historiens sont unanimes à considérer que le Prophète est arrivé à Médine en Rabî' Awwal, la date la plus souvent donnée étant le lundi 12 Rabî Awwal. En admettant d'une part que les correspondances de calendriers ne sont pas forcément précises à 100%, et d'autre part qu'une certaine "
tradition" a pu se complaire à modifier de quelques jours les dates afin de tomber pile sur la même date du lundi 12 Rabî Awwal aussi bien pour la naissance
du Prophète que pour son arrivée à Médine et même pour son décès, on peut penser que le Prophète a fort bien pu arriver à Médine le jour correspondant au Yom
Kippour et donc trouver les juifs en train de jeûner ce jour. Seulement:
a) ils ne pouvaient en aucun cas justifier ce jeûne par la sortie d'Egypte, laquelle est commémorée par la Pâque;
b) et surtout, il n'y a absolument rien à voir entre cette date et ce jeûne et la date et le jeûne de 'Ashourâ'.
7. Conclusion: le scénario probable de ce qui s'est passé est donc que ceux qui voulaient rediffuser la pratique païenne du jeûne de 'Ashour â' ont fait en sorte de la "monothéïser" en mettant profit un récit authentique rapportant que le Prophète arriva à Médine alors que les juifs y jeûnaient le Kippour et en y rajoutant trompeusement:
1) premièrement, que ce jour était le 'Ashourâ' et 2) deuxièmement que ce jeûne avait pour justification de rendre grâce à Dieu pour avoir sauvé Moïse et les Enfants d'Israël, deux incohérences grossières qui ne résistent pas à un examen sérieux, mais qui se sont montré efficaces pour tromper ceux qui n'y regardent pas de trop près.
Après quoi, notre cher frère Mouslimoon reprochent aux "shiites duodécimains" de «
… suivre les passions et les inovations des hommes … ».
A suivre si Dieu le veut…