Salam alékoum,
Je ne suis pas spécialiste du sujet, mais je trouve l'article intéressant.
Hassan Heydari revient dans cette tribune sur les raisons du conflit entre les deux camps. Les avis exprimés dans les tribunes publiées sur Shiacity ne correspondent pas toujours et forcément à nos positions mais de leurs auteurs. Nous les publions car nous considérons notre site comme un lieu de libres échanges entre les chiites. N’hésitez pas à exprimer votre opinion sur la tribune en commentaire sous l’article si vous n’êtes pas d’accord ! Pour nous proposer un article que vous avez écrit, contactez-nous sur notre page Facebook.
Pourquoi les Shirazis et le régime iranien (représenté par le système de Wilayat-Al Faqih Al-Mutlaqa et incarné par Sayed Khomeini puis Sayed Khamenei) sont-ils en conflit ? Une question qui restera à mon avis un mystère. On ne saura jamais exactement le pourquoi du comment de cette divergence mais nous avons quelques indications que je présenterai ici. Il faut savoir que les Shirazis étaient les alliés de Sayed Khomeini avant et après la révolution. Mais cette relation commença à changer à partir des années 80. Je vais tout d’abord présenter les deux camps avant d’analyser le conflit qui a eu lieu entre eux.
Qui sont les Shirazis ?
La famille « Al-Shirazi » est une famille de savants chiites irako-iraniens reconnus et respectés depuis maintenant un siècle et demi et qui descend du Prophète (sawas) par son arrière petit-fils, le martyr Zayd ibn Ali (as). L’actuelle plus grande figure vivante de cette famille est le marja’ résidant à Qom en Iran, Sayed Sadiq Al-Shirazi.
Le savant le plus connu de cette famille est Sayed Mirza Mohammad Hassan Al-Shirazi, connu sous le nom de « Mirza (Mohammad) Hassan », de « Al-Shirazi Al-Awwal » (le premier shirazi) ou de « Al-Mojadid Al-Shirazi » (le réformateur Shirazi). Il a mené la révolte du tabac en Iran en 1890 obligeant le Shah de l’époque, Nasredine Shah, a mettre un terme au traité de concession totale de l’agriculture iranienne du tabac au Royaume-Uni.
L’arrière grand-père maternel de l’actuel marja’ est l’ayatollah Mohammad Taqi Al-Shirazi qui faisait partie des savants qui ont mené « la révolution des années 20 » (thawrat al-‘ishrine) qui est la révolte de l’indépendance irakienne contre la colonisation anglaise. Il lance une fatwa incitant au jihad contre les troupes anglaises. Les tribus chiites du pays répondent à l’appel. Par après, ils sont suivis par les savants et tribus sunnites. Cette révolte fait de l’Irak le premier pays arabe à prendre son indépendance en 1932, après l’Égypte.
Petit-fils de Mohammad Taqi Al-Shirazi, Sayed Mohammad ben Habibullah Al-Shirazi était un grand savant extrêmement respecté qui aura plusieurs fils dont trois qui nous intéressent dans notre présent article : Sayed Hassan, Sayed Mohammad et Sayed Sadiq.
Sayed Hassan Shirazi meurt en martyr dans un attentat orchestré par Saddam Hussein au Liban en 1980.
Celui qui nous intéresse spécialement dans notre présent article est Sayed Mohammad Shirazi, l’homme avec qui la divergence entre les Shirazis et Khomeini a commencé. Mort en 2001, il était le plus grand savant et marja’ de cette famille durant la deuxième moitié du vingtième siècle. Il est aussi considéré comme l’un des plus grands auteurs de l’Histoire du chiisme avec des centaines d’œuvres écrites sur la religion, la politique, la culture et la psychologie. Après son décès, Sayed Sadiq Al-Shirazi devient le marja’ du mouvement shirazite.
Religieusement, les Shirazis sont une famille de chiites usulites traditionnels. Ceci dit, ils seront parmi les chiites les plus éveillés politiquement comme nous allons le voir. Le centre et siège historique des Shirazis est Karbala.
Sayed Sadiq Al-Shirazi en tant que marja’ a beaucoup de suiveurs (muqalidin) en Iran, Irak et dans les pays du Golfe. Son mouvement ne constitue la majorité des chiites dans aucun de ces pays, sauf dans la sainte ville irakienne de Karbala ou au Koweït, où presque la moitié des chiites suivent sa marji’iyya.
Qui sont Sayed Khomeini et Sayed Khamenei ?
Nous allons les présenter brièvement car en général ils sont déjà très connus du public chiite francophone. Sayed Ruhollah Khomeini est un grand savant chiite, un marja’ religieux et le guide politico-religieux de la révolution iranienne islamique de 1979 qu’il mène avec succès. Il établit alors une République Islamique menée par un guide suprême qui doit être un savant religieux choisi par l’assemblée des experts qui est composée de 88 religieux élus. Cette même assemblée est la seule apte à le destituer de ses fonctions selon la constitution. Le président, les députés du parlement, les différentes assemblées et les maires des villes ou autres élus locaux sont élus au suffrage universel.
Sayed Khomeini mène le pays jusqu’en 1989, année de son décès. Il est alors succédé par Sayed Ali Khamenei qui dirige le pays jusqu’à maintenant.
Religieusement, les deux viennent de l’école gnostique iranienne du chiisme dans la prolongation des grands auteurs de cette pensée tels que Molla Sadra ou Haydar Amoli. Politiquement, ils sont partisans de la théorie de Wilayat al-Faqih Al-Mutlaqa (l’autorité absolue du juriste) qui considère que le juriste religieux (faqih) a l’autorité religieuse et politique sur les musulmans. La tendance traditionnelle ancienne dans le chiisme duodécimain reconnaissait Wilayat Al-Faqih (velayat e-faqihen farsi) mais le limitait aux domaines religieux, d’où le fait que la théorie adoptait par le régime iranien est décrite de « mutlaqa » (absolu).
Les gens suivant la marji’iyya de Sayed Khameini en Iran peuvent être estimés entre 15 et 25% des chiites du pays. Par ailleurs, la majorité des chiites libanais le suivent. Une part non-négligeable des chiites du Golfe Persique le suivent aussi. Cependant, il reste très peu suivi en Irak, au Pakistan ou ailleurs.
Les Shirazis et Sayed Khomeini : des amis ?
Certains l’ignorent mais Sayed Mohammad Shirazi et ses frères avaient d’excellentes relations avec Sayed Khomeini.
Tout d’abord, Sayed Mohammad Shirazi faisait partie de la toute petite minorité de savants chiites avant la révolution iranienne qui soutenait la théorie de Wilayat Al-Faqih Al-Mutlaqa. Il se peut même qu’il a adopté cette théorie avant Sayed Khomeini. Ainsi, Sayed Mohammad considérait que tout mouvement ou action politique doit émaner d’une autorité religieuse qui la dirige ou veille à son fonctionnement. Le puissant parti irakien qu’il crée, « Monadamate Al-Amal » (l’Organisation du Travail), a comme fondement d’être sous son autorité. Les actuels marja’ Sayed Taqi Al-Modaressi ou Sayed Kamal Al-Haydari étaient membres de ce parti. Le dernier en est sorti après un certain temps. Sayed Mohammad soutenait donc l’activisme politique en Iran contre le Shah tout en se concentrant également sur ses activités en Irak.
En 1964, Sayed Khomeini est forcé de s’exiler. Il prend alors refuge en Turquie puis en Irak où il visite les lieux saints avant de s’installer définitivement dans la ville de Najaf. Il se rend alors à Karbala et y visite la maison de Sayed Mohammad Al-Shirazi. Ce dernier l’invite même à diriger la prière.
Il y est donc soutenu par la famille des Shirazis dont certains membres assistent même à ses cours. À cette époque-là, certains savants traditionnels d’Iran et Irak s’en désavouent et n’apprécient pas son activisme politique, ses idées sur Wilayat Al-Faqih et parfois son orientation gnostique. Traditionnellement à cet époque, la majorité des savants chiites étaient au mieux quiétistes, au pire apolitiques, et ne se mêlaient de politique que dans l’urgence et de manière irrégulière. Rares étaient ceux qui s’impliquaient en politique et encore moins ceux qui croyaient que le pouvoir devait revenir aux mains des religieux. Dans ces moments difficiles, les jeunes frères Shirazis lui étaient d’un grand soutien parmi tant d’autres et il y avait une convergence idéologique entre les deux camps.
En 1970, Sayed Mohammad Shirazi fuit l’Irak car il y est persécuté par les baathistes qui le condamnent à la peine de mort peu de temps après. Il s’installe alors au Koweït où il construit beaucoup de lieux de culte et organise des activités religieuses, d’où le fait qu’il y est très aimé et que jusqu’à maintenant beaucoup de chiites du pays suivent la marjiyya shirazite. En 1979, il part s’installer à Qom en Iran. Après la révolution iranienne, beaucoup d’ambassadeurs, diplomates, élus et même gardiens de la révolution du nouveau régime islamique sont du mouvement Shirazi qui a alors toute la confiance de Sayed Khomeini. Ce dernier considère surtout Sayed Shirazi comme une référence pour les affaires irakiennes – un point qui a son importance pour la suite – et confie même la direction de la radio arabophone officielle de l’Iran à Monadamate Al-Amal, le parti de Sayed Shirazi, pour mener des campagnes médiatiques contre Saddam Hussein.
Un mois après son arrivée à Qom, Sayed Mohammad Shirazi donne une interview à la revue Al-Shahid qui la publie dans son numéro 21. Il y déclare alors notamment que Sayed Khomeini est venu en personne le visiter chez lui pour prendre de ses nouvelles et discuter des affaires internes de l’Iran.
« Je suis très optimiste quant au futur de la révolution islamique en Iran. La raison en est les révolutionnaires dont nous connaissons la majorité d’entre-eux et à leurs têtes les marja’ ainsi que l’imam Khomeini. Ces gens sont sincères dans leur volonté d’appliquer l’ordre de Dieu sur terre pour sauver les affaiblis. Par affaiblis, on ne parle pas des pauvres comme il est propagé parfois mais on vise ce que Dieu (ta’ala) dit dans dans son livre : [Et qu’avez vous à ne pas combattre dans le sentier d’Allah, et pour la cause des affaibles] « , dit Sayed Mohammad Shirazi à Al-Shahid.
Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Comme je l’ai mentionné dans l’introduction, expliquer le conflit Shirazi-Khomeini est très difficile. Il semble que ce dernier soit le résultat de plusieurs facteurs.
D’alliés à opposants
Le fait que Sayed Mohammad prit ses distances, critiqua et s’opposa à certaines décisions de Sayed Khomeini puis développa une théorie rivale à celle du régime mis les Shirazis en position d’opposants du régime. Ces changements durèrent toute une décennie.
Les responsabilités données aux membres du mouvement shirazite furent annulées. Plusieurs d’entre-eux qui avaient la nationalité irakienne furent expulsés d’Iran. Sayed Mohammad fut mis sous résidence surveillée et ne pouvait plus quitter Qom. Certains membres de sa famille ou proches du mouvement subissaient certaines pressions. De plus, les médias iraniens officiels passaient leur temps à l’attaquer. De leur côté, les Shirazites ne portaient pas non plus les pro-Wilayat Al-Faqih dans leur cœur mais ils l’exprimaient de manière beaucoup moins directe et violente – du moins dans leurs réseaux officiels – car ils ne sont pas dans la position de dominants. Le dernier cas de conflit fut l’arrestation de Sayed Hussein Shirazi, le fils de Sayed Sadiq, à Qom après que ce dernier s’attaqua à Wilayat Al-Faqih.
Enfin, je voudrais faire remarquer que certains sur le net avancent des fois des raisons farfelues, mensongères et fallacieuses au sujet du conflit. Par exemple, certains soutiennent que l’une des raisons du conflit est que Sayed Khomeini ait soutenu l’union et l’unité avec les sunnites, ce qui aurait déplu à Sayed Mohammad Shirazi. Cette explication est fausse et n’a pas de base historique, en plus du fait qu’elle oublie que Sayed Mohammad Shirazi dans ses écrits défendait lui-même l’idée de se rapprocher et s’unir avec le reste des musulmans. Un autre exemple est l’interdiction du Tatbir qui aurait déplu à Sayed Mohammad Shirazi. Cette explication nie alors qu’il y a des savants en Iran qui autorisent cette pratique et qui ont tout de même de bonnes relations avec le régime.
Ces deux points ne font pas partie des causes du conflit mais de ses conséquences. A partir de la marjiyya de Sayed Sadiq Shirazi, les shirazites vont revoir leur position sur l’union avec les sunnites considérant que cela n’a jamais marché et ne marchera pas car utopique. De plus, il préfère mettre l’accent sur la nécessité de s’unir entre chiites et d’ensuite inviter les sunnites à suivre la voix d’Ahl el Bayt (as). Ce changement est une conséquence du conflit : puisque le régime et Sayed Khameini font de l’union avec les sunnites une base idéologique de leur pensée, cela a poussé les Shirazis à revoir leur position. Mais ce n’est pas une cause : ils ne se sont pas disputés pour cette raison. De même, puisque le régime iranien interdit et combat fortement la pratique du tatbir (saignement de la tête) ou tout autres pratiques d’auto-flagellation, alors Sayed Sadiq Shirazi a commencé à soutenir de manière exagérée cette pratique. Ce phénomène est une conséquence du conflit, consciemment ou pas dans l’esprit de ses acteurs, et non une de ses causes.
Evolution du conflit
Aujourd’hui, le régime iranien est représenté par Sayed Khameini et le mouvement Shirazite par Sayed Sadiq Al-Shirazi. Il existe une opposition idéologique entre les deux courants mais jusqu’à maintenant, cela reste calme avec des séquences un peu plus mouvementées. D’un côté, le régime iranien n’aime pas qu’on s’oppose à lui, et de l’autre côté les Shirazites n’aiment pas se soumettre et préfèrent rester totalement indépendants. De temps en temps, ils s’attaquent par médias interposés ou bien les Shirazites se font embêtés par la justice iranienne.
Depuis deux décénnies, le mouvement Shirazi s’est refocalisé sur l’activisme religieux, notamment en investissant sur des chaînes religieuses, et a beaucoup diminué son activisme politique. Monadamate Al-Amal n’a presque plus aucune existence alors qu’elle fut parmi les plus grands partis résistants chiites de l’Irak et avait plusieurs banches dans une dizaine de pays.
Conclusion
J’ai essayé de présenter la genèse de la relation entre les Shirazis et le régime iranien pour ensuite aborder les évolutions qui ont conduit au conflit entre les deux camps. Cela s’explique par plusieurs facteurs et une évolution idéologique chez Sayed Mohammad.
Dieu dit : « Repousse (le mal) par ce qui est meilleur; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux. » (Coran 41:34)
Dieu dit aussi : « Et cramponnez-vous tous ensemble au câble d’Allah et ne soyez pas divisés; et rappelez-vous le bienfait d’Allah sur vous: lorsque vous étiez ennemis, c’est Lui qui réconcilia vos cœurs. Puis, par Son bienfait, vous êtes devenus frères. » (Coran 3:103)
Enfin, Dieu dit également : « Les croyants ne sont que des frères. Établissez la concorde entre vos frères, et craignez Allah, afin qu’on vous fasse miséricorde. » (Coran 49:10).
Et mes derniers mots sont : que les plus belles prières soient sur Mohammad Al-Mustafa et sur sa sainte et infaillible famille !
Source : http://shiacity.fr/societe-et-cultu...zis-et-le-regime-iranien-sont-ils-en-conflit/
Barak Allahou fikoum.
Je ne suis pas spécialiste du sujet, mais je trouve l'article intéressant.
Hassan Heydari revient dans cette tribune sur les raisons du conflit entre les deux camps. Les avis exprimés dans les tribunes publiées sur Shiacity ne correspondent pas toujours et forcément à nos positions mais de leurs auteurs. Nous les publions car nous considérons notre site comme un lieu de libres échanges entre les chiites. N’hésitez pas à exprimer votre opinion sur la tribune en commentaire sous l’article si vous n’êtes pas d’accord ! Pour nous proposer un article que vous avez écrit, contactez-nous sur notre page Facebook.
Pourquoi les Shirazis et le régime iranien (représenté par le système de Wilayat-Al Faqih Al-Mutlaqa et incarné par Sayed Khomeini puis Sayed Khamenei) sont-ils en conflit ? Une question qui restera à mon avis un mystère. On ne saura jamais exactement le pourquoi du comment de cette divergence mais nous avons quelques indications que je présenterai ici. Il faut savoir que les Shirazis étaient les alliés de Sayed Khomeini avant et après la révolution. Mais cette relation commença à changer à partir des années 80. Je vais tout d’abord présenter les deux camps avant d’analyser le conflit qui a eu lieu entre eux.
Qui sont les Shirazis ?
La famille « Al-Shirazi » est une famille de savants chiites irako-iraniens reconnus et respectés depuis maintenant un siècle et demi et qui descend du Prophète (sawas) par son arrière petit-fils, le martyr Zayd ibn Ali (as). L’actuelle plus grande figure vivante de cette famille est le marja’ résidant à Qom en Iran, Sayed Sadiq Al-Shirazi.
Le savant le plus connu de cette famille est Sayed Mirza Mohammad Hassan Al-Shirazi, connu sous le nom de « Mirza (Mohammad) Hassan », de « Al-Shirazi Al-Awwal » (le premier shirazi) ou de « Al-Mojadid Al-Shirazi » (le réformateur Shirazi). Il a mené la révolte du tabac en Iran en 1890 obligeant le Shah de l’époque, Nasredine Shah, a mettre un terme au traité de concession totale de l’agriculture iranienne du tabac au Royaume-Uni.
L’arrière grand-père maternel de l’actuel marja’ est l’ayatollah Mohammad Taqi Al-Shirazi qui faisait partie des savants qui ont mené « la révolution des années 20 » (thawrat al-‘ishrine) qui est la révolte de l’indépendance irakienne contre la colonisation anglaise. Il lance une fatwa incitant au jihad contre les troupes anglaises. Les tribus chiites du pays répondent à l’appel. Par après, ils sont suivis par les savants et tribus sunnites. Cette révolte fait de l’Irak le premier pays arabe à prendre son indépendance en 1932, après l’Égypte.
Petit-fils de Mohammad Taqi Al-Shirazi, Sayed Mohammad ben Habibullah Al-Shirazi était un grand savant extrêmement respecté qui aura plusieurs fils dont trois qui nous intéressent dans notre présent article : Sayed Hassan, Sayed Mohammad et Sayed Sadiq.
Sayed Hassan Shirazi meurt en martyr dans un attentat orchestré par Saddam Hussein au Liban en 1980.
Celui qui nous intéresse spécialement dans notre présent article est Sayed Mohammad Shirazi, l’homme avec qui la divergence entre les Shirazis et Khomeini a commencé. Mort en 2001, il était le plus grand savant et marja’ de cette famille durant la deuxième moitié du vingtième siècle. Il est aussi considéré comme l’un des plus grands auteurs de l’Histoire du chiisme avec des centaines d’œuvres écrites sur la religion, la politique, la culture et la psychologie. Après son décès, Sayed Sadiq Al-Shirazi devient le marja’ du mouvement shirazite.
Religieusement, les Shirazis sont une famille de chiites usulites traditionnels. Ceci dit, ils seront parmi les chiites les plus éveillés politiquement comme nous allons le voir. Le centre et siège historique des Shirazis est Karbala.
Sayed Sadiq Al-Shirazi en tant que marja’ a beaucoup de suiveurs (muqalidin) en Iran, Irak et dans les pays du Golfe. Son mouvement ne constitue la majorité des chiites dans aucun de ces pays, sauf dans la sainte ville irakienne de Karbala ou au Koweït, où presque la moitié des chiites suivent sa marji’iyya.
Qui sont Sayed Khomeini et Sayed Khamenei ?
Nous allons les présenter brièvement car en général ils sont déjà très connus du public chiite francophone. Sayed Ruhollah Khomeini est un grand savant chiite, un marja’ religieux et le guide politico-religieux de la révolution iranienne islamique de 1979 qu’il mène avec succès. Il établit alors une République Islamique menée par un guide suprême qui doit être un savant religieux choisi par l’assemblée des experts qui est composée de 88 religieux élus. Cette même assemblée est la seule apte à le destituer de ses fonctions selon la constitution. Le président, les députés du parlement, les différentes assemblées et les maires des villes ou autres élus locaux sont élus au suffrage universel.
Sayed Khomeini mène le pays jusqu’en 1989, année de son décès. Il est alors succédé par Sayed Ali Khamenei qui dirige le pays jusqu’à maintenant.
Religieusement, les deux viennent de l’école gnostique iranienne du chiisme dans la prolongation des grands auteurs de cette pensée tels que Molla Sadra ou Haydar Amoli. Politiquement, ils sont partisans de la théorie de Wilayat al-Faqih Al-Mutlaqa (l’autorité absolue du juriste) qui considère que le juriste religieux (faqih) a l’autorité religieuse et politique sur les musulmans. La tendance traditionnelle ancienne dans le chiisme duodécimain reconnaissait Wilayat Al-Faqih (velayat e-faqihen farsi) mais le limitait aux domaines religieux, d’où le fait que la théorie adoptait par le régime iranien est décrite de « mutlaqa » (absolu).
Les gens suivant la marji’iyya de Sayed Khameini en Iran peuvent être estimés entre 15 et 25% des chiites du pays. Par ailleurs, la majorité des chiites libanais le suivent. Une part non-négligeable des chiites du Golfe Persique le suivent aussi. Cependant, il reste très peu suivi en Irak, au Pakistan ou ailleurs.
Les Shirazis et Sayed Khomeini : des amis ?
Certains l’ignorent mais Sayed Mohammad Shirazi et ses frères avaient d’excellentes relations avec Sayed Khomeini.
Tout d’abord, Sayed Mohammad Shirazi faisait partie de la toute petite minorité de savants chiites avant la révolution iranienne qui soutenait la théorie de Wilayat Al-Faqih Al-Mutlaqa. Il se peut même qu’il a adopté cette théorie avant Sayed Khomeini. Ainsi, Sayed Mohammad considérait que tout mouvement ou action politique doit émaner d’une autorité religieuse qui la dirige ou veille à son fonctionnement. Le puissant parti irakien qu’il crée, « Monadamate Al-Amal » (l’Organisation du Travail), a comme fondement d’être sous son autorité. Les actuels marja’ Sayed Taqi Al-Modaressi ou Sayed Kamal Al-Haydari étaient membres de ce parti. Le dernier en est sorti après un certain temps. Sayed Mohammad soutenait donc l’activisme politique en Iran contre le Shah tout en se concentrant également sur ses activités en Irak.
En 1964, Sayed Khomeini est forcé de s’exiler. Il prend alors refuge en Turquie puis en Irak où il visite les lieux saints avant de s’installer définitivement dans la ville de Najaf. Il se rend alors à Karbala et y visite la maison de Sayed Mohammad Al-Shirazi. Ce dernier l’invite même à diriger la prière.
Il y est donc soutenu par la famille des Shirazis dont certains membres assistent même à ses cours. À cette époque-là, certains savants traditionnels d’Iran et Irak s’en désavouent et n’apprécient pas son activisme politique, ses idées sur Wilayat Al-Faqih et parfois son orientation gnostique. Traditionnellement à cet époque, la majorité des savants chiites étaient au mieux quiétistes, au pire apolitiques, et ne se mêlaient de politique que dans l’urgence et de manière irrégulière. Rares étaient ceux qui s’impliquaient en politique et encore moins ceux qui croyaient que le pouvoir devait revenir aux mains des religieux. Dans ces moments difficiles, les jeunes frères Shirazis lui étaient d’un grand soutien parmi tant d’autres et il y avait une convergence idéologique entre les deux camps.
En 1970, Sayed Mohammad Shirazi fuit l’Irak car il y est persécuté par les baathistes qui le condamnent à la peine de mort peu de temps après. Il s’installe alors au Koweït où il construit beaucoup de lieux de culte et organise des activités religieuses, d’où le fait qu’il y est très aimé et que jusqu’à maintenant beaucoup de chiites du pays suivent la marjiyya shirazite. En 1979, il part s’installer à Qom en Iran. Après la révolution iranienne, beaucoup d’ambassadeurs, diplomates, élus et même gardiens de la révolution du nouveau régime islamique sont du mouvement Shirazi qui a alors toute la confiance de Sayed Khomeini. Ce dernier considère surtout Sayed Shirazi comme une référence pour les affaires irakiennes – un point qui a son importance pour la suite – et confie même la direction de la radio arabophone officielle de l’Iran à Monadamate Al-Amal, le parti de Sayed Shirazi, pour mener des campagnes médiatiques contre Saddam Hussein.
Un mois après son arrivée à Qom, Sayed Mohammad Shirazi donne une interview à la revue Al-Shahid qui la publie dans son numéro 21. Il y déclare alors notamment que Sayed Khomeini est venu en personne le visiter chez lui pour prendre de ses nouvelles et discuter des affaires internes de l’Iran.
« Je suis très optimiste quant au futur de la révolution islamique en Iran. La raison en est les révolutionnaires dont nous connaissons la majorité d’entre-eux et à leurs têtes les marja’ ainsi que l’imam Khomeini. Ces gens sont sincères dans leur volonté d’appliquer l’ordre de Dieu sur terre pour sauver les affaiblis. Par affaiblis, on ne parle pas des pauvres comme il est propagé parfois mais on vise ce que Dieu (ta’ala) dit dans dans son livre : [Et qu’avez vous à ne pas combattre dans le sentier d’Allah, et pour la cause des affaibles] « , dit Sayed Mohammad Shirazi à Al-Shahid.
Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Comme je l’ai mentionné dans l’introduction, expliquer le conflit Shirazi-Khomeini est très difficile. Il semble que ce dernier soit le résultat de plusieurs facteurs.
- Le début du changement de leurs relations
- L’attaque envers les savants
- Les exécutions
- Shirazi adopte Shura Al-Fuqaha’
D’alliés à opposants
Le fait que Sayed Mohammad prit ses distances, critiqua et s’opposa à certaines décisions de Sayed Khomeini puis développa une théorie rivale à celle du régime mis les Shirazis en position d’opposants du régime. Ces changements durèrent toute une décennie.
Les responsabilités données aux membres du mouvement shirazite furent annulées. Plusieurs d’entre-eux qui avaient la nationalité irakienne furent expulsés d’Iran. Sayed Mohammad fut mis sous résidence surveillée et ne pouvait plus quitter Qom. Certains membres de sa famille ou proches du mouvement subissaient certaines pressions. De plus, les médias iraniens officiels passaient leur temps à l’attaquer. De leur côté, les Shirazites ne portaient pas non plus les pro-Wilayat Al-Faqih dans leur cœur mais ils l’exprimaient de manière beaucoup moins directe et violente – du moins dans leurs réseaux officiels – car ils ne sont pas dans la position de dominants. Le dernier cas de conflit fut l’arrestation de Sayed Hussein Shirazi, le fils de Sayed Sadiq, à Qom après que ce dernier s’attaqua à Wilayat Al-Faqih.
Enfin, je voudrais faire remarquer que certains sur le net avancent des fois des raisons farfelues, mensongères et fallacieuses au sujet du conflit. Par exemple, certains soutiennent que l’une des raisons du conflit est que Sayed Khomeini ait soutenu l’union et l’unité avec les sunnites, ce qui aurait déplu à Sayed Mohammad Shirazi. Cette explication est fausse et n’a pas de base historique, en plus du fait qu’elle oublie que Sayed Mohammad Shirazi dans ses écrits défendait lui-même l’idée de se rapprocher et s’unir avec le reste des musulmans. Un autre exemple est l’interdiction du Tatbir qui aurait déplu à Sayed Mohammad Shirazi. Cette explication nie alors qu’il y a des savants en Iran qui autorisent cette pratique et qui ont tout de même de bonnes relations avec le régime.
Ces deux points ne font pas partie des causes du conflit mais de ses conséquences. A partir de la marjiyya de Sayed Sadiq Shirazi, les shirazites vont revoir leur position sur l’union avec les sunnites considérant que cela n’a jamais marché et ne marchera pas car utopique. De plus, il préfère mettre l’accent sur la nécessité de s’unir entre chiites et d’ensuite inviter les sunnites à suivre la voix d’Ahl el Bayt (as). Ce changement est une conséquence du conflit : puisque le régime et Sayed Khameini font de l’union avec les sunnites une base idéologique de leur pensée, cela a poussé les Shirazis à revoir leur position. Mais ce n’est pas une cause : ils ne se sont pas disputés pour cette raison. De même, puisque le régime iranien interdit et combat fortement la pratique du tatbir (saignement de la tête) ou tout autres pratiques d’auto-flagellation, alors Sayed Sadiq Shirazi a commencé à soutenir de manière exagérée cette pratique. Ce phénomène est une conséquence du conflit, consciemment ou pas dans l’esprit de ses acteurs, et non une de ses causes.
Evolution du conflit
Aujourd’hui, le régime iranien est représenté par Sayed Khameini et le mouvement Shirazite par Sayed Sadiq Al-Shirazi. Il existe une opposition idéologique entre les deux courants mais jusqu’à maintenant, cela reste calme avec des séquences un peu plus mouvementées. D’un côté, le régime iranien n’aime pas qu’on s’oppose à lui, et de l’autre côté les Shirazites n’aiment pas se soumettre et préfèrent rester totalement indépendants. De temps en temps, ils s’attaquent par médias interposés ou bien les Shirazites se font embêtés par la justice iranienne.
Depuis deux décénnies, le mouvement Shirazi s’est refocalisé sur l’activisme religieux, notamment en investissant sur des chaînes religieuses, et a beaucoup diminué son activisme politique. Monadamate Al-Amal n’a presque plus aucune existence alors qu’elle fut parmi les plus grands partis résistants chiites de l’Irak et avait plusieurs banches dans une dizaine de pays.
Conclusion
J’ai essayé de présenter la genèse de la relation entre les Shirazis et le régime iranien pour ensuite aborder les évolutions qui ont conduit au conflit entre les deux camps. Cela s’explique par plusieurs facteurs et une évolution idéologique chez Sayed Mohammad.
- Mais que faire maintenant ?
Dieu dit : « Repousse (le mal) par ce qui est meilleur; et voilà que celui avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux. » (Coran 41:34)
Dieu dit aussi : « Et cramponnez-vous tous ensemble au câble d’Allah et ne soyez pas divisés; et rappelez-vous le bienfait d’Allah sur vous: lorsque vous étiez ennemis, c’est Lui qui réconcilia vos cœurs. Puis, par Son bienfait, vous êtes devenus frères. » (Coran 3:103)
Enfin, Dieu dit également : « Les croyants ne sont que des frères. Établissez la concorde entre vos frères, et craignez Allah, afin qu’on vous fasse miséricorde. » (Coran 49:10).
Et mes derniers mots sont : que les plus belles prières soient sur Mohammad Al-Mustafa et sur sa sainte et infaillible famille !
Source : http://shiacity.fr/societe-et-cultu...zis-et-le-regime-iranien-sont-ils-en-conflit/
Barak Allahou fikoum.
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