Salâm aleykom,
On connait Khalil Gibran principalement par son ouvrage "Le Prophète" mais celui-ci s'est aussi adonné au théâtre dans les derniers jours de sa vie.
Je vous fais partager quelques extraits de "Lazare et sa bien-aimée" que j'ai récemment pu voir au théâtre dans une mise en scène assez sympatoche.
Synopsis : Lazare vient d'être ressuscité par Jésus, sous la demande et la tristesse de ses soeurs (Marie et Marthe) et de sa mère. De retour sur terre, celui-ci a du être séparé de celle qu'il appelle "sa bien-aimée" dans le Ciel... La pièce se joue devant la maison familiale avec Lazare et ses deux soeurs, un fou sur le côté de la scène, observe et intervient ponctuellement...
"(.......)
-Marie- Je t'écoute, Lazare.
-Le fou- Que le monde tout entier écoute. Le ciel va désormais parler à la terre, mais la terre est aussi sourde que vous et moi.
-Lazare- Nous étions dans l'espace, ma bien-aimée et moi, et nous étions tout l'espace. Nous étions dans la lumière et nous étions toute la lumière. Et nous errions tout comme l'ancien esprit qui évoluait au-dessus de la surface des eaux; et c'était éternellement la première aube. Nous étions l'amour même qui habite le coeur du blanc silence. Puis une voix pareille au tonnerre, une voix aux innombrables pointes transperçant l'éther, cria : "Lazare, reviens !" Et l'écho répéta ces mots dans l'espace, moi flux je devins reflux; une maison divisée, un vêtement déchiré, une jeunesse non vécue, une tour qui s'est effondrée dont on fit de ses pierres brisées un repère. Une voix a crié "Lazare reviens !" et je suis descendu de la demeure céleste pour gagner une tombe au coeur d'une tombe, ce corps dans une grotte scellée.
(....)
-Lazare (Il se parle à lui, comme s'il n'avait pas entendu Marthe)- Oh, je suis las. Je n'en peux plus, j'ai faim et j'ai soif. Veux-tu me donner un peu de pain et de vin ?
-Marie (Elle va vers lui et met son bras autour de lui)- Oui, oui, mon frère. Mais rentre dans la maison. Notre mère a préparé le dîner.
-Le fou- Il demande du pain qu'ils ne peuvent cuire, et du vin pour lequel ils n'ont pas de bouteilles.
(....)
-Lazare- Vous êtes dans une maison et sous un toit. Vous êtes entre quatre murs, avec une porte et une fenêtre. Vous êtes ici et vous êtes atteints de cécité. Votre esprit est ici et mon esprit est là-bas. Vous rampez dans des maisons et je vole au-dessus des cimes des montagnes. Vous êtes tous des esclaves, les uns des autres, et vous n'adorez que vous-mêmes. Vous rêvez et vous ne rêvez pas; vous vous réveillez mais pas dans les collines. Hier j'étais las de vous et de la vie, j'ai cherché l'autre monde que vous appelez mort et si je suis mort, ce n'est pas parce que je le désirais. Désormais, je me trouve ici, en cet instant, me rebellant contre ce que vous appelez la vie.
-Marthe (Qui est sortie de la maison pendant que Lazare parlait)- Mais le Maître a vu notre tristesse et notre souffrance et Il t'a rappelé à nous, et pourtant tu te rebelles.
Oh, voici que l'habit se révolte contre celui qui l'a tissé !
Voici que la maison se révolte contre celui qui l'a bâtie !
-Marie- Il connaissait nos coeurs et Il s'est montré miséricordieux à notre égard, quand Il a croisé notre mère et vu dans ses yeux un fils mort, enterré, son chagrin L'a retenu, et l'espace d'un instant Il est demeuré immobile et silencieux. (Silence). Puis nous L'avons suivi jusqu'au tombeau.
-Lazare- Oui, ce fut le chagrin de ma mère et le vôtre. Ce fut la pitié, l'apitoiement sur soi, qui m'ont fait revenir. Que la pitié de soi est égoïste et qu'elle est insondable. Je crie ma révolte. J'affirme que le divin lui-même ne devrait pas changer le printemps en hiver. J'ai grimpé sur les collines animé de mon ardent désir, et votre chagrin m'a ramené dans cette vallée. Vous vouliez un fils et un frère qui restât avec vous toute votre vie. Vos voisins voulaient un miracle. Vos voisins et vous, comme vos pères et ancêtres, voulaient un miracle, afin que vous puissez croire en les choses les plus simples de l'existence. Que vous êtes cruels, que vos coeurs sont durs et que la nuit de vos yeux est sombre. C'est pour cela que vous faites déchoir les prophètes de leur gloire jusqu'à vos joies, et qu'ensuite vous les tuez.
-Marthe (Sur un ton de reproche)- Tu appelles notre chagrin de l'apitoiement sur soi. Mais tes gémissements sont-ils autre chose qu'apitoiement sur soi ? Sois paisible et accepte la vie que le Maître t'a donnée.
-Lazare- Il ne m'a pas donné la vie, Il vous a donné ma vie. Il a pris ma vie à ma bien-aimée, et vous l'a donnée, un miracle pour dessiller vos yeux et vos oreilles. Il m'a sacrifié tout comme Il S'est sacrifié Lui.
(Il s'adresse au Ciel). Père, pardonne-leur. Ils ne savent pas ce qu'ils font.
(....)"
Voilà, mais c'est encore mieux... la bouche fermée et les yeux grands ouverts...
Que Dieu vous garde,
salam wa baraka.
On connait Khalil Gibran principalement par son ouvrage "Le Prophète" mais celui-ci s'est aussi adonné au théâtre dans les derniers jours de sa vie.
Je vous fais partager quelques extraits de "Lazare et sa bien-aimée" que j'ai récemment pu voir au théâtre dans une mise en scène assez sympatoche.
Synopsis : Lazare vient d'être ressuscité par Jésus, sous la demande et la tristesse de ses soeurs (Marie et Marthe) et de sa mère. De retour sur terre, celui-ci a du être séparé de celle qu'il appelle "sa bien-aimée" dans le Ciel... La pièce se joue devant la maison familiale avec Lazare et ses deux soeurs, un fou sur le côté de la scène, observe et intervient ponctuellement...
"(.......)
-Marie- Je t'écoute, Lazare.
-Le fou- Que le monde tout entier écoute. Le ciel va désormais parler à la terre, mais la terre est aussi sourde que vous et moi.
-Lazare- Nous étions dans l'espace, ma bien-aimée et moi, et nous étions tout l'espace. Nous étions dans la lumière et nous étions toute la lumière. Et nous errions tout comme l'ancien esprit qui évoluait au-dessus de la surface des eaux; et c'était éternellement la première aube. Nous étions l'amour même qui habite le coeur du blanc silence. Puis une voix pareille au tonnerre, une voix aux innombrables pointes transperçant l'éther, cria : "Lazare, reviens !" Et l'écho répéta ces mots dans l'espace, moi flux je devins reflux; une maison divisée, un vêtement déchiré, une jeunesse non vécue, une tour qui s'est effondrée dont on fit de ses pierres brisées un repère. Une voix a crié "Lazare reviens !" et je suis descendu de la demeure céleste pour gagner une tombe au coeur d'une tombe, ce corps dans une grotte scellée.
(....)
-Lazare (Il se parle à lui, comme s'il n'avait pas entendu Marthe)- Oh, je suis las. Je n'en peux plus, j'ai faim et j'ai soif. Veux-tu me donner un peu de pain et de vin ?
-Marie (Elle va vers lui et met son bras autour de lui)- Oui, oui, mon frère. Mais rentre dans la maison. Notre mère a préparé le dîner.
-Le fou- Il demande du pain qu'ils ne peuvent cuire, et du vin pour lequel ils n'ont pas de bouteilles.
(....)
-Lazare- Vous êtes dans une maison et sous un toit. Vous êtes entre quatre murs, avec une porte et une fenêtre. Vous êtes ici et vous êtes atteints de cécité. Votre esprit est ici et mon esprit est là-bas. Vous rampez dans des maisons et je vole au-dessus des cimes des montagnes. Vous êtes tous des esclaves, les uns des autres, et vous n'adorez que vous-mêmes. Vous rêvez et vous ne rêvez pas; vous vous réveillez mais pas dans les collines. Hier j'étais las de vous et de la vie, j'ai cherché l'autre monde que vous appelez mort et si je suis mort, ce n'est pas parce que je le désirais. Désormais, je me trouve ici, en cet instant, me rebellant contre ce que vous appelez la vie.
-Marthe (Qui est sortie de la maison pendant que Lazare parlait)- Mais le Maître a vu notre tristesse et notre souffrance et Il t'a rappelé à nous, et pourtant tu te rebelles.
Oh, voici que l'habit se révolte contre celui qui l'a tissé !
Voici que la maison se révolte contre celui qui l'a bâtie !
-Marie- Il connaissait nos coeurs et Il s'est montré miséricordieux à notre égard, quand Il a croisé notre mère et vu dans ses yeux un fils mort, enterré, son chagrin L'a retenu, et l'espace d'un instant Il est demeuré immobile et silencieux. (Silence). Puis nous L'avons suivi jusqu'au tombeau.
-Lazare- Oui, ce fut le chagrin de ma mère et le vôtre. Ce fut la pitié, l'apitoiement sur soi, qui m'ont fait revenir. Que la pitié de soi est égoïste et qu'elle est insondable. Je crie ma révolte. J'affirme que le divin lui-même ne devrait pas changer le printemps en hiver. J'ai grimpé sur les collines animé de mon ardent désir, et votre chagrin m'a ramené dans cette vallée. Vous vouliez un fils et un frère qui restât avec vous toute votre vie. Vos voisins voulaient un miracle. Vos voisins et vous, comme vos pères et ancêtres, voulaient un miracle, afin que vous puissez croire en les choses les plus simples de l'existence. Que vous êtes cruels, que vos coeurs sont durs et que la nuit de vos yeux est sombre. C'est pour cela que vous faites déchoir les prophètes de leur gloire jusqu'à vos joies, et qu'ensuite vous les tuez.
-Marthe (Sur un ton de reproche)- Tu appelles notre chagrin de l'apitoiement sur soi. Mais tes gémissements sont-ils autre chose qu'apitoiement sur soi ? Sois paisible et accepte la vie que le Maître t'a donnée.
-Lazare- Il ne m'a pas donné la vie, Il vous a donné ma vie. Il a pris ma vie à ma bien-aimée, et vous l'a donnée, un miracle pour dessiller vos yeux et vos oreilles. Il m'a sacrifié tout comme Il S'est sacrifié Lui.
(Il s'adresse au Ciel). Père, pardonne-leur. Ils ne savent pas ce qu'ils font.
(....)"
Voilà, mais c'est encore mieux... la bouche fermée et les yeux grands ouverts...
Que Dieu vous garde,
salam wa baraka.
