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L'acte d'être

ihsan

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Salam 3alaykoom!
et Christian, L’acte d’être: la philosophie de la révélation chez Mollâ SadrâParis, Fayard, 2002. 447 p.Si traduire une philosophie islamique du XVIIe siècle est déjà en soi un geste porteur de sens, choisir de la commenter signifie sans aucun doute que l’on considère cette philosophie comme essentielle. Que la philosophie de Mollâ Sadrâ le soit, c’est ce dont Christian Jambet parvient à nous convaincre tout au long de ce livre qui est une intro-duction «éclairante» à la thématique de l’acte d’être chez ce penseur. Encore trop largement méconnu, il apparaît pourtant comme évident, en suivant le travail de Christian Jambet, que Mollâ Sadrâ, philosophe iranien mort en 1640, a bien des choses à nous apporter et qu’il a un rôle à jouer en dehors de son aspect «pittoresque»! En effet, non seulement il est la preuve qu’il y avait encore de la place pour une pensée originale en islam après le XIIe siècle, mais il peut aussi être le lien qui nous fait défaut entre la philo-sophie antique et médiévale et la phénoménologie. Toute sa philosophie s’articule, en effet, autour du passage de l’existence comme accident de l’essence à l’acte d’exister, qui nous renvoie de façon évidente à l’être-au-monde.Le grand mérite de ce livre est de nous montrer la modernité radicale de Mollâ Sadrâ qui, dans la continuité de Sohrâvardî, clame haut et fort que la «réalité» n’est rien. Ce qui importe vraiment c’est la métahistoire du sujet, c’est-à-dire les actes par lesquels le sujet transcende sa situation pour rencontrer son autre, la source de toute lumière. Le salut n’est donc en aucun cas une affaire de communauté, c’est un choix, le choix d’une expérience singulière dont nous ne saurions faire l’économie car c’est à cette seule condition que la liberté humaine devient possible. Mollâ Sadrâ a connu une postérité bien ironique dans la mesure où il est devenu la référence philosophique du régime iranien, c’est-à-dire du régime qui a instauré un clergé en islam. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le penseur de l’individu et de l’acte personnel d’exister sert donc d’argument à la promotion idéologique de ce qui est son antithèse flagrante. En effet, si Mollâ Sadrâ situe sa quête au cœur du sens littéral, le zæhir, l’apparent, cet appa-rent n’est rien en lui-même, il faut le reconduire à son sens caché, le bæ†in. Le motif chiite de l’opposition entre les gens qui détiennent le savoir, et ceux qui n’ont pas ce savoir, est donc redoublé par une opposition entre ceux qui sont ou ne sont pas initiés au sein de la communauté chiite. Le terme de déformation apparaît presque trop faible pour traduire cette situation; ce n’est pas de déformation qu’il s’agit mais d’une véritable transvaluation. Christian Jambet pose ici un geste philosophique porteur d’une dimension politique indéniable.Ce livre est une introduction pertinente à toutes ces pro-blématiques étroitement liées. Il est un outil de compréhension, au sens étymologique du terme; il nous prend «avec» lui pour nous amener à ressentir ce dont il est question. Appliquant ce qu’il retient de la philosophie de Mollâ Sadrâ, Christian Jambet construit son livre autour du pas-sage de la métaphysique des essences à une ontologie de l’existence. Il s’agit d’expliquer comment l’acte d’être n’appartient plus à l’étant en tant qu’étant, mais qu’à l’in-verse, c’est l’étant qui exprime toujours un certain degré d’existence. Dans cette optique Dieu apparaît comme l’acte d’être par excellence ce qui signifie qu’il a une face intelli-gible, le réel, c’est-à-dire les existants. En effet, en chaque acte d’être de tout existant il y a la révélation du réel divin. La conséquence est que, si Dieu a une face intelligible, alors cette face peut être pensée par la philosophie à condition qu’elle tienne compte du statut particulier de ce sur quoi elle pratique son herméneutique. Aborder l’Absolu redevient dès lors possible à travers tous ces actes, toutes ces épiphanies qui sont autant d’événements, de rencontres avec l’autre.Mais comment le sujet peut-il faire acte d’être? L’influence de Sohravardî est ici essentielle: le sujet fait acte d’être quand il comprend, quand il fait des symboles des événements de son âme.Seulement aborder les Livres saints et chercher en soi-même le sens des symboles ne peut se faire que si nous comprenons ces symboles et donc si nous acceptons qu’ils «nous» changent. Nous retrouvons, chez Christian Jambet, une filiation avec Henry Corbin dans sa façon, fortement empreinte de luthéranisme (et plus précisément du luthéra-nisme de Hamann), de comprendre le symbole comme ce devant quoi nous ne pouvons faire acte de compréhension sans devenir par-là même sujet «comprenant». C’est pour cela que Christian Jambet qualifie lui-même cette philosophie «d’exégétique». Convertir son regard a comme prix l’abandon d’une réalité sensible, considérée comme le «réel» et le seul possible... Mais aussi l’abandon d’un monde qui ne soit «que» celui des intelligibles, un monde où la philosophie est devenue anthropophage.La grande question qui se pose aujourd’hui est de sa-voir si cette tradition de l’interprétation doit être considérée comme une philosophie; à mon sens il ne saurait en être autrement dans la mesure où nous ne pouvons nous priver de l’alternative de pensée qu’une telle compréhension de la philosophie nous ouvre. Il y a toujours l’idée que l’historicité est une chute parce que l’homme oublie l’être dont il pro-vient, il oublie le non-retrait, comme l’aurait dit Heidegger (1). L’interprétation est une «évasion», un arrachement à l’histoire pour la vraie histoire, la métahistoire.La métaphysique ne peut pas se faire sans une conver-sion de l’âme. Christian Jambet utilise même cette idée très forte d’une «purification éthique», car c’est à cette condition que le sujet peut se connaître comme celui sur lequel et par le-quel Dieu fait «acte de présence». Cette définition est le point de départ de tout le projet sadrien qui vise à révéler que ce degré d’existence, nous ne le possédons pas par nous-même;

(1) Heidegger, La parole d’Anaximandre dans Chemins qui ne mènent nulle part, traduit par Wolfgang Brokmeier, Paris, Gallimard, 1962.Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)BCAI 20 (2004) Jambet Christian : L’acte d’ētre: la philosophie de la révélation chez Mollâ Sadrâ, recensé par Clémence Vanalderweireldt© IFAO 2020BCAI en lignehttp://www.ifao.eg


 

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