A première vue, le texte n’est pas choquant en comparaison avec les autres traductions. Mais dites-moi, que signifie « en raison du plus qu’ont les uns par rapport aux autres » ?
Avant de répondre à votre question, j’aimerais bien restituer de quoi parle le verset, car ceci nous permettra de mieux comprendre l’expression qui vous intéresse dans le verset.
Je vous écoute.
Le verset ne parle pas d’une supériorité de l’homme sur la femme, ni d’une domination. Le verset stipule tout simplement que le rôle de l’homme est d’entretenir sa femme, alors que le rôle de la femme est de préserver ce qui doit être préservé, conformément à l’enseignement divin, à savoir la dignité de son mari, ses enfants, et enfin ses biens. De même, l’homme a l’obligation de préserver la dignité et les enfants de sa femme. Quant aux biens de la femme, l’homme n’a pas l’obligation de les préserver, tout simplement car il n’a aucun droit à les exploiter. En revanche, l’épouse, elle, utilise les biens de son mari, puisque c’est son droit, ce qui justifie que Allah lui recommande d’être juste quand elle en fait usage.
Cela confirme malgré tout votre discours sur la justice et l’égalité que la femme n’est pas l’égale de l’homme, puisqu’elle est confinée dans un rôle de préservation, alors que lui, il a le privilège d’avoir le rôle de protection. N’est-ce pas un statut inférieur pour la femme ?
J’apprécie de discuter avec vous, car cela montre que vous donnez l’importance nécessaire à chaque mot, et vous saisissez bien le sujet. Mais permettez-moi de revenir sur le principe de justice. Ce verset s’inscrit dans un contexte historique différent de notre époque. La femme ne travaillait pas. De plus, les conditions sociologiques, économiques, politiques et culturelles, ne le permettaient qu’exceptionnellement, et sous des conditions très strictes. Le Coran donne les meilleures lois possibles dans ses conditions tout en proposant progressivement des lois pour libérer la femme afin qu’elle soit l’égale de l’homme sur le plan social, comme elle l’est sur le plan ontologique.
Revenons à cette différence de rôles « entretien » et « préservation ». Si la femme ne travaille pas, elle n’a donc pas les moyens de vivre. Il faut bien une solution : soit lui donner du travail, soit la prendre en charge. Vu le contexte historique, il est bien clair que la première solution était totalement impossible. Il ne restait que la deuxième solution. Mais n’oubliez pas que ce verset donne déjà à la femme un droit qu’elle n’avait pas. Le verset mentionne deux raisons pour lesquelles l’homme doit prendre en charge sa femme. Laissons pour le moment la première, et regardons la deuxième. Allah dit : « et en raison des dépenses qu’ils effectuent pour assurer leur entretien. » Ceci montre bien que c’est l’homme qui doit dépenser, tout simplement parce que c’est lui qui en avait les moyens.
Je vois bien. Cela ressemble au chômeur pris en charge par l’Etat en attendant de trouver un travail. C’est un droit du chômeur. De même, à l’époque de la Révélation coranique, la femme ne travaillait qu’exceptionnellement. Et donc, dans ces circonstances, être prise en charge par son époux est un droit et non pas une discrimination, autrement dit ce n’est pas une domination, mais plutôt une protection et une préservation de la dignité de la femme.
Merci d’avoir fait ce parallélisme. Mais n’oublions pas que l’Islam a donné par principe à la femme le droit au travail et à la séparation stricte des biens. De plus, la femme qui voulait travailler était protégée et traitée sur le même pied d’égalité que l’homme. Donc, l’Islam a créé les conditions pour libérer la femme de cette prise en charge.
Pouvez-vous revenir à l’expression « en raison du plus qu’ont les uns par rapport aux autres » ?
C’est ce que dit exactement l’expression coranique. Donc, le verset ne parle pas de tous les hommes, ni de toutes les femmes, mais de certains parmi eux. Deuxièmement, « les uns », ne concerne pas les hommes uniquement, mais également les femmes. De même pour « les autres ». L’expression devient alors « en raison du plus qu’ont certains hommes sur certains femmes et en raison du plus qu’ont certaines femmes sur certains hommes ». Donc, cette loi ne concerne qu’une catégorie d’homme et qu’une catégorie de femmes.
Quel est alors ce « plus » ?
Certains croient que ce « plus » est la capacité de maîtriser ses émotions. D’autres croient que c’est la capacité d’utiliser mieux sa raison. Ils croient aussi que les hommes sont supérieurs aux femmes dans ces deux domaines. Je ne trouve, ni dans le Coran, ni dans les paroles ou les actes du Prophète, aucune des deux justifications précédentes. L’histoire de la Reine de Saba’ citée dans le Coran suffit pour démontrer que cette manière de penser est contraire à l’esprit du Coran. Dans la Sourate 27 (versets 15-35), Allah dit :
· « Nous avons fait don d’une part de Notre science à David et à Salomon, et ils dirent : « Louange à Dieu qui nous a favorisés par rapport à beaucoup de Ses fidèles serviteurs ! »
· Et quand Salomon hérita de David, il dit : « Ô humains ! Nous avons été initiés au langage des oiseaux, sans compter tous les autres bienfaits dont nous avons été gratifiés. C’est là, en vérité, une insigne faveur !
· Les armées de Salomon composée de djinns, d’hommes et d’oiseaux furent rassemblées et placées en rangs devant lui.
· Et lorsqu’elles arrivèrent à la vallée des fourmis, l’une de celles-ci s’écria : « Ô fourmis ! Regagnez vos demeures de peur que Salomon et ses armées ne vous écrasent sans s’en apercevoir. »
· Ces paroles firent sourire Salomon qui dit : « Seigneur ! Permets-moi de rendre grâce des bienfaits dont Tu nous a comblés, mon père, ma mère et moi-même. Fais que toutes mes actions Te soient agréables et admets-moi, par un effet de Ta grâce, parmi Tes saints serviteurs. »
· Puis, passant les oiseaux en revue, il dit : « Pourquoi ne vois-je pas la huppe ? Serait-elle absente ?
· Mais l’absence de la huppe fut de courte durée. « Je viens d’apprendre, dit-elle, des choses que tu ne connaissais pas et je t’apporte un renseignement sûr au sujet du peuple de Saba.
· J’ai découvert que c’est une femme disposant de grandes ressources et ayant un magnifique trône qui règne sur eux ;
· et j’ai découvert qu’elle et son peuple adorent le Soleil au lieu d’adorer Dieu, car Satan a embelli leurs actions à leurs yeux et les a détournés du droit chemin, en sorte qu’ils errent sans direction.
· Que ne se prosternent-ils devant Dieu qui dévoile les secrets des Cieux et de la Terre, qui sait ce que vous dissimulez et ce que vous divulguez ?
· Dieu en dehors de qui il n’y a point de divinité, le Maître du Trône sublime !
· « Nous allons voir, dit Salomon, si tu dis la vérité ou si tu es une menteuse.
· Emporte ma lettre que voici. Lance-la vers eux et mets-toi en retrait pour voir ce que sera leur réponse. »
· « Ô dignitaires, dit la reine, une illustre missive vient de me parvenir.
· Elle est de Salomon. En voici la teneur : « Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux.
· Ne soyez pas hautains avec moi, venez à moi soumis à Allah. »
· « Ô dignitaires, ajouta la reine, conseillez-moi dans cette affaire ; je ne prendrai aucune décision avant de connaître votre avis. »
· « Nous sommes, répondirent-ils, un peuple fort et d’une puissance redoutable. Mais la décision t’appartient. Vois donc toi-même les ordres que tu veux bien nous donner ! »
· « En vérité, dit-elle, lorsque les rois s’emparent d’une cité, ils y sèment la ruine et asservissent les plus honorables de ses habitants. C’est ainsi qu’habituellement ils se comportent.
· Aussi vais-je leur envoyer un présent et attendre la réponse que me rapporteront les messagers. »
La Reine de Saba finit par accepter d’abandonner l’adoration du Soleil pour adorer Allah tout seul. De plus, elle a pu conserver son pouvoir et protéger son peuple.
Ce récit montre bien que Allah dessine un portrait très positif de la Reine de Saba. Relativement au pouvoir qu’elle exerçait, le Coran donne l’image d’une femme qui gouverne son peuple par des décisions prises après consultation des sages. Il affirme clairement qu’elle connaissait bien les enjeux des luttes de pouvoir. De plus, il montre bien qu’elle n’a pas perdu ses capacités de gouvernance devant un danger extérieur imminent.
N’est-ce pas la une preuve flagrante que l’Islam ne voit aucunement la femme comme un être inférieur, mais à l’égale de l’homme, elle peut gouverner et être à la tête d’un pouvoir fort. En fin de compte, une telle femme ne peut qu’avoir une grande capacité à maîtriser ses émotions et à bien utiliser son intelligence.