Bismil-Lâhir-Rahmânir-Rahîm
was-salâtou 'alâ habîbil-Lâh wa âlihil-at-hâr
was-salâmou ‘alaykoum wa rahmatoul-Lâh
Purée d'nozôtre, comme dirait l'autre. En français, on dirait "chercher midi à quatorze heures" et en arabe
aklon min al-qafâ (c'est-à-dire "manger en passant par derrière la nuque").
Revenons donc à nos moutons.
Haidar a dit:
Adam as avait le Savoir que Dieu lui a donné mais malgré ça il a mangé la Pomme, c'est une erreur donc il n'est pas infaible.
1. Qui a dit qu'il était question d'une "pomme"?
2. Où était-il donné à notre seigneur Adam, que la Paix soit avec lui, l'interdiction de manger tel ou tel "fruit"?
3. Où est-il écrit que c'était de la part d'Adam, que la Paix soit avec lui, une "erreur" (ou une "faute" ou un "péché") que d'avoir mangé tel ou tel "fruit"?
Répondons en sens inverse:
3. Notre seigneur Adam, que la Paix soit avec lui, n'a pas commis une "faute" ou "erreur" ou "péché", puisque le Coran nous dit que c'était "par oubli" (90.115:
"Nous avions déjà enjoint à Adam auparavant et il oublia" .
Or, on sait que toute "faute" commise par oubli n'est pas une faute, à tel point que si l'on mange ou boit en ayant "oublié" que l'on jeûnait le mois de Ramadân, non seulement il n'y a pas d'expiation, mais notre jeûne reste valide, comme si de rien n'était.
On dira alors: pourquoi dont notre seigneur Adam, que la Paix soit avec lui, s'est-il repenti, s'il n'y avait pas de "faute"? Tout simplement parce qu'il y avait une infraction "formelle", de même qu'il est bon de se repentir d'avoir mangé "par oubli" lorsqu'on jeûne, même s'il n'y a pas "faute" et si le jeûne reste valide y compris sans repentir.
On dira alors: pourquoi notre seigneur Adam, que la Paix soit avec lui, a-t-il "déchu" de son état suite à cet acte, si ce n'était une faute? Tout simplement parce que les actes entrainent par eux-mêmes une conséquence, même lorsqu'il n'y a pas faute. Ainsi, on subira l'effet de l'alcool absorbé par ignorance que c'était de l'alcool, alors qu'il n'y a pas eu "faute" puisqu'on l'a bu en ignorant que c'était de l'alcool.
On peut enfin dire: pourquoi Dieu a-t-il permis à Son élu d'oublier alors qu'Il pouvait le préserver de l'oubli? Tout simplement pour que le plan divin s'accomplisse, car il fallait que l'homme soit renvoyé de la "meilleure stature" (
ahsani taqwîm ; Coran 95.4) au "plus bas du bas" (
asfali sâfilîn ; Coran 95.5), pour qu'il puisse remonter "au plus haut du haut" (
a'lâ 'illiyîn ). En effet, les créatures qui ne sont pas "descendues" dans le monde de la matière ne sont pas soumises au changement et ne peuvent donc pas "progresser" (comme le dit Gabriel au Prophète, Dieu le bénisse lui et les siens, lors de son Ascension,
mi'râdj : li-kol-lin min-nâ maqâmon ma'loum[/i], c'est-à-dire :
"nous avons chacun un rang déterminé"). Il fallait donc que l'homme "descende" pleinement dans le monde de la matière, ultime limite de la manifestation de l'Existence dans l'"arc de descente", pour pouvoir ensuite "progresser" dans l'"arc de remontée" de la réalisation spirituelle jusqu'à s'élever "à la distance de deux arcs ou plus près" (qâba qawsayn aw adnâ ; Coran 53.9)
2. Ce qui rend l'oubli de notre seigneur Adam, que la Paix soit avec lui, encore plus compréhensible, c'est, comme le mentionnent divers hadiths des Gens de la Demeure prophétique, par qui nous vient la Paix, que:
a) l'interdiction faite par Dieu à Adam ne portait pas explicitement sur le fait de manger tel ou tel fruit, mais sur le fait de ne pas s'approcher de tel arbre (lâ taqrabâ hâdhihi sh-shadjara ; Coran 2.35);
b) Iblîs, caché dans le serpent, s'est arrangé pour apporter le fruit défendu à Adam sans qu'il ait à s'approcher de l'arbre (à remarquer que dans la version islamique, contrairement à la version judéo-chrétienne, notre mère Ève, que la Paix soit avec elle, n'a pas le moindre rôle négatif et n'est en rien l'agent tentateur entraînant Adam à "fauter");
c) Iblîs, caché dans le serpent, a juré par Dieu à Adam que manger ce fruit ne lui était pas défendu, puisqu'il ne s'approchait pas de l'arbre, et Adam ne pouvait imaginer qu'une créature pouvait mentir en jurant par Dieu. Adam n'avait donc pas oublié l'ordre explicite de Dieu même, mais il a été abusé et en a oublié de prêter attention à quelque chose qui pouvait être déduit de l'ordre explicite de Dieu.
3. Le Coran ne spécifie pas l'arbre dont il est question et les hadiths des Gens de la Demeure, par qui nous vient la Paix, qui évoquent un "fruit" (réel ou symbolique, ou les deux à la fois, d'autres hadiths parlant aussi de cet "arbre" en termes de "connaissance réservée") parlent non pas de "pomme", mais de "blé" (ce qui est possible avec les sens propres de shadjara et de thamara en arabe).
Petite digression: pourrait-on alors se permettre de penser qu'il y aurait-là quelque allusion à ce que l'on nomme la "révolution néolithique" et le passage de l'humanité d'une vie de cueillette (voir Coran 2.35: "O Adam, toi et ton épouse, habitez le Paradis — ou "le Jardin", al-djanna —, mangez de ce [qu’il offre] en abondance partout où vous voudrez…") à l'ère de l'agriculture (avec l'apparition de la propriété privée de la terre et autres causes de complications entre êtres humains)? Je ne suis pas sûr que la réponse soit négative, d'autant plus que les deux premiers fils d'Adam, que la Paix soit avec lui, sont présentés comme étant l'un pasteur (Abel/Hâbel) et l'autre agriculteur (Caïn/Qâbel) et que le premier meurtre de l'humanité est celui de l'agriculteur tuant le pasteur.
Il y aurait encore bien des choses à dire sur le récit de notre seigneur Adam, que la Paix soit avec lui, auquel l'Imam Khomeyni, Dieu ait son âme, avait l'intention de consacrer un livre entier, ce qu'il n'eût malheureusement pas l'occasion de faire. Et puis il y aurait encore quantité de choses à dire sur la 'isma des Arguments de Dieu, que la Paix soit avec eux, mais je crois que ce post est déjà suffisamment long et riche de nouveaux sujets à méditer.