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Khomeyni, Une Jeunesse Iranienne

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Banni
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L’auteur :

Né en Grande Bretagne en 1940, Hamid Algar obtint son Ph.D. en études orientales à Cambridge en 1965. Depuis cette date, il travaille au département d’études du Moyen Orient de la faculté de Berkeley de l’Université de Californie, où il enseigne le tafsir, le soufisme, le shi'isme, le persan et l’histoire et la philosophie islamiques. Dr. Algar a beaucoup écrit sur l’Iran et l’Islam dont les livres Religion et Etat en Iran, 1785-1906, et Mirza Malkum Khan, une étude biographique d’un moderniste iranien. Il suit avec intérêt depuis plusieurs années le mouvement islamique. Dans un article publié en 1972 dans le Science magazine, il a évalué la situation présente et future de la Révolution " plus correctement que tous les officiels et analystes du gouvernement américain" suivant les mots de Nicholas Wade. Le professeur Algar a traduit de nombreux ouvrages de l’arabe, du turc et du persan dont le livre “ Islam et Révolution, Ecrits et déclarations de l’Imam Khomeyni ”. Son dernier ouvrage est consacré à la secte des Wahhabites.



Ruhollah Musavi Khomeyni est né le 20 Jamadi Al-Akhir1320/24 septembre 1902, jour anniversaire de la naissance de Hazrat Fatima, dans la petite ville de Khomeyn, à environ 160 kilomètres au sud-ouest de Qom. Il est l'enfant d'une famille de vieille tradition religieuse. Ses ancêtres, descendants de l'Imam Musa 'Al-Kazim, le septième Imam des 'Ahl al-Bayt ont émigré vers la fin du dix-huitième siècle de leur lieu originel de Nishapour dans la région de Lucknow en Inde du Nord. Là, ils s’établirent dans la petite ville de Kintur et commencèrent de se consacrer à l'instruction religieuse de la population shi'ite de la région principalement. Le membre le plus célèbre de la famille fut Mir Hamid Husayn (d. 1880), auteur du Abaqat al-Anwar fi Imamat al-A'immat al-Athar, un ouvrage volumineux sur les matières traditionnellement contestées par les musulmans sunnites et shi'ites*.

* Voir Muhammad Riza Hakimi, Mir Hamid Husayn, Qom, 1362 Sh./1983.

Le grand-père de l’Imam Khomeyni, Sayyid Ahmad, un contemporain de Mir Hamid Husayn, quitta Lucknow au milieu du dix-neuvième siècle pour le pèlerinage au tombeau de Hazrat 'Ali à Najaf*. Alors qu’à Najaf, Sayyid Ahmad fit la connaissance d'un certain Yusuf Khan, un citoyen important de Khomeyn. Sur son invitation, il décida de partir pour Khomeyn pour assumer la responsabilité des aspirations religieuses de ses citoyens et également prit la fille de Yusuf Khan en mariage. Bien que les liens de Sayyid Ahmad avec l'Inde aient été coupés par cette décision, il continua à être connu de ses contemporains en tant que "Hindi", une appellation dont héritèrent ses descendants ; nous voyons même l’Imam Khomeyni retenir "Hindi" comme pseudonyme dans certains de ses ghazals* *. Peu avant l’émergence de la Révolution islamique en février 1978, le régime du Shah essaya d'employer le fond indien des racines familiales de l'Imam pour le dépeindre en tant qu'étranger et élément de trahison à la société iranienne, une tentative qui comme cela s’est vue se retourna contre ses auteurs.

* Cependant, selon un rapport du frère aîné de l'Imam, Sayyid Murtaza Pasandida, leur lieu d’origine était le Cachemire, et non Lucknow; voir 'Ali Davani, Nahzat-I Ruhaniyun-I Iran, Téhéran, n.d., VI, p. 760). ** voir Divan-I Imam, Téhéran, 1372 Sh./1993, p. 50.

Avant sa mort, dont la date est inconnue, Sayyid Ahmad avait engendré deux enfants : une fille du nom de Sahiba, et Sayyid Mustafa Hindi, né en 1885, le père de l'Imam Khomeyni. Sayyid Mustafa commença son éducation religieuse à Ispahan avec Mir Muhammad Taqi Mudarrisi avant de continuer ses études à Najaf et Samarra sous la guidance de Mirza Hasan Shirazi (d.1894), la principale autorité du moment en jurisprudence shi'ite. Cela correspondait au modèle des études préliminaires en Iran suivies des études supérieures dans l''atabat, les villes saintes de l'Irak, qui durant longtemps fut la norme ; l’Imam Khomeyni fut en fait le premier chef religieux d’importance dont la formation eut lieu entièrement en Iran.

En Dhu l'L-Hijja 1320/mars 1903, environ cinq mois après la naissance de l'Imam, Sayyid Mustafa fut attaqué et tué tandis qu’il voyageait sur la route entre Khomeyn et la ville voisine d'Arak. L'identité de l'assassin fut immédiatement révélée ; c'était Ja'far-quli Khan, le cousin d'un certain Bahram Khan, un des propriétaires fonciers les plus riches de la région. Il est, cependant, difficile d’établir la cause de l'assassinat avec certitude. Selon une version devenue officielle après le triomphe de la Révolution islamique, Sayyid Mustafa avait réveillé la colère des propriétaires fonciers locaux en raison de sa défense des paysans pauvres. Cependant, Sayyid Mustafa lui-même, en plus de ses fonctions religieuses, était également un fermier assez riche, et il est possible qu'il soit tombé victime des conflits sur les droits d'irrigation qui étaient communs alors. Une troisième explication est que Sayyid Mustafa, dans sa fonction de juge de la shar'ia de Khomeyn, avait puni quelqu'un pour une violation publique du Jeune du Ramadan et que la famille du contrevenant avait alors exigé une vengeance mortelle*. Les tentatives de Sahiba, soeur de Sayyid Mustafa, de voir le tueur puni à Khomeyn restèrent vaines, aussi sa veuve, Hajar, se rendit à Téhéran, portant Ruhollah enfant dans ses bras selon une version, pour réclamer justice.. Elle était accompagnée de ses fils aînés, Murtaza et Nur, et finalement, en Rabi 'Al-Awwal 1323/mai 1925, Ja'far-quli Khan fut publiquement exécuté à Téhéran sur ordre 'd'Al-Dawla d'Ayn, le premier ministre d’alors.

* Entretien du présent auteur avec Hajj Sayyid Ahmad Khomeyni, fils de l'Imam, Téhéran, 12 septembre, 1982.

En 1918, l'Imam perdit sa tante, Sahiba, qui avait joué un grand rôle au début de son éducation, et sa mère, Hajar. La responsabilité de la famille incomba alors à son frère aîné, Sayyid Murtaza (plus tard connu sous le nom d’Ayatollah Pasandida). Le bien-être matériel des frères semble avoir été assuré par le domaine de leur père, mais l'insécurité et l'anarchie qui lui avaient coûté la vie continuèrent. En plus des inimitiés incessantes parmi les propriétaires fonciers, Khomeyn était infesté par les incursions menées sur la ville par les Bakhtiyari et leurs hommes de main toutes les fois qu'ils le pouvaient. Une fois, lors d’un pillage d’un chef de clan des Bakhtiyari du nom de Rajab 'Ali, le jeune Imam avait été obligé de prendre un fusil ainsi que ses frères pour défendre la maison de famille. En racontant ces événements beaucoup d'années plus tard, l'Imam remarquait : “ j'ai été à la guerre dès mon enfance ”*. Parmi les scènes dont il fut témoin durant sa jeunesse et cela est resté dans sa mémoire pour l’aider à former son action politique ultérieure, il peut être également fait mention des contrats arbitraires et ruineux des propriétaires fonciers et des gouverneurs provinciaux. Ainsi il se rappela des années plus tard comment un gouverneur nouvellement arrivé avait arrêté et bastonné le chef de la guilde des négociants de Gulpayagan pour aucun autre motif que l'intimidation des citoyens**.

· Imam Khomeini, Sahifa-yi Nur, Tehran, 1361 Sh./1982, X, p. 63. ** Sahifa-yi Nur, XVI, p. 121 '

L’Imam Khomeyni commença son éducation en apprenant par cœur le Coran dans un maktab dirigé près de sa maison par un certain Mollâ Abu l-Qasim ; il devint un hafiz à l'âge de sept. ans. Il s'engagea dans l'étude de l'arabe avec Shaykh Ja'far, un des cousins de sa mère, et prit des leçons sur d'autres sujets d'abord avec Mirza Mahmud Iftikhar al-'‘ulama’' puis avec son oncle maternel, Haji Mirza Muhammad Mahdi. Son premier professeur en logique fut Mirza Riza Najafi, son beau-frère. Finalement, parmi ses instructeurs à Khomeyn, mention peut être faite du frère aîné de l'Imam, Murtaza, qui lui enseigna Al-Mutawwal de Katib Qazvini sur le badi 'et le ma'ani et un des traités d'Al-Suyuti sur la grammaire et la syntaxe. (bien que Sayyid Murtaza - qui a pris le nom de famille de Pasandida après la loi exigeant le choix d'un nom de famille en 1928 - étudia pendant un moment à Isphahan, il n'accomplit jamais les niveaux les plus élevés de l'éducation religieuse ; après avoir travaillé pendant un moment dans le bureau de l’état civil de Khomeyn, il se fixa à Qom où il devait passer le reste de sa vie).

En 1339/1920-21, Sayyid Murtaza envoya l'Imam dans la ville d'Arak (ou de Sultanabad sous le nom de laquelle elle était alors connue) afin qu'il puisse tirer profit des moyens éducatifs qui y étaient plus importants. Arak était devenue un centre important des études religieuses en raison de la présence Al-Karim Ha'iri (d.1936), un des principaux Ayatollahs du moment. Il était arrivé là en 1332/1914 à l'invitation des citoyens de la ville.

Environ trois cents étudiants - un nombre relativement élevé - assistèrent à ses conférences à la madrasa de Mirza Yusuf Khan. Il est probable que l’Imam Khomeyni n'était pas encore assez grand pur étudier directement avec Ha'iri ; au lieu de cela, il travailla la logique avec Shaykh Muhammad Gulpayagani, lut le Sharh al-Lum'a de Shaykh Zayn al-Din al'Amili (mort en. 996/1558), un des principaux textes de la jurisprudence ja'farite, avec Aqa-yi 'Abbas Araki, et continua l’étude d'Al-Mutawwal avec Shaykh Muhammad 'Ali Burujirdi. Brusquement, un an après l'arrivée de l'Imam à Arak, Ha'iri accepta l’invitation des '‘ulama’' de Qom à les rejoindre pour présider leurs activités. Une de premiers bastions du Shi'isme en Iran, Qom était un centre traditionnel important des études religieuses en même temps que le lieu de pèlerinage au sanctuaire de Hazrat-I Ma'suma, une fille de l'Imam Musa Al-Kazim, mais elle avait été éclipsée pendant de nombreuses décennies par les villes saintes de l'Irak avec leurs ressources supérieures d'érudition. L'arrivée de Ha'iri à Qom non seulement provoqua une renaissance de ses madrasas mais également fut à l’origine d’un processus qui amena la ville à devenir la capitale spirituelle de l'Iran, un processus qui fut complété par la lutte politique lancée par l’Imam Khomeyni environ quarante ans plus tard. L'Imam suivit Ha'iri à Qom avec un intervalle d'approximativement quatre mois. Ce déplacement fut le premier tournant important dans sa vie. C'est à Qom qu'il reçut toute sa formation spirituelle et intellectuelle supérieure, et il devait maintenir un sens profond d'identification avec la ville durant le restant de sa vie. Il est possible, en effet, mais pas dans un sens réducteur, de le décrire comme un produit de Qom. En 1980, s'adressant à un groupe de visiteurs de Qom, il déclara : "partout où je suis, je suis un citoyen de Qom, et je suis fier de cela. Mon cœur est toujours avec Qom et ses habitants."*

Après son arrivée à Qom en 1922 ou 1923, l’Imam s’attacha à faire ses classes de deuxième cycle à la madrasa connues sous le nom de sutûh. ; ainsi il étudia avec des maîtres comme Shaykh Muhammad Rizâ Najafî Masjid-i Shahî, Mirzâ Muhammad Taqî Khwânsârî et Sayyid ‘Alî Yasribî Kâshânî. Quoi qu’il en soit, dès ses premiers jours à Qom, l’Imam donna à penser qu’il était destiné à devenir plus qu’aucun autre une grande autorité de l’école jafarite. Il montra un intérêt exceptionnel pour des sujets qui n’étaient pas seulement absents du cursus de la madrasa mais qui étaient objet d’hostilité et de suspicion comme la philosophie dans ses diverses écoles traditionnelles ou la gnose (‘irfân). Il commença de cultiver cet intérêt par l’étude du Tafsîr-i Sâfî, un commentaire du Coran du gnostique Mollâ Muhsin Fayz-i Kashânî (mort en 1091/1680), en même temps que feu l’Äyatollah ‘Alî Arâkî (mort en 1994), alors jeune étudiant comme lui. Son instruction classique à la gnose et aux disciplines éthiques qui lui sont liées commença avec les cours donnés par Hâjî Mîrzâ Javâd Malîkî-Tabrîzî, mais ce théologien mourut en 1304/1925. De même, l’Imam ne devait pas bénéficier longtemps de l’enseignement de son premier maître en philosophie, Mîrzâ ‘Alî Akbar Hakîm Yazdî, un élève du grand maître Mollâ Hâdî Sabzavârî (mort en 1295/1878), car Yazdî trépassa en 1305/1926. Un autre des premiers enseignants en philosophie de l’Imam fut Sayyid Abû ‘I-Hasan Qazvînî (mort en 1355/1976), un maître tout à la fois en philosophie péripatéticienne et en théosophie : l’Imam s’agrégea à son cercle jusqu’au départ de Qazvînî de Qom en 1310/1931.

Le maître qui eut la plus profonde influence sur le développement spirituel de l‘Imam fut, sans aucun doute, Mîrzâ Muhhamad ‘Alî Shâhabâdî (mort en 1328/1950) ; l’Imam se réfère à lui dans nombre de ses œuvres comme shaykunâ et ‘ârif-l kâmil. Sa relation avec lui était celle d’un murîd avec son murshid. Quand Shâhâbâdî vint pour la première fois à Qom en 1307/1928, jeune, l’Imam lui posa une question concernant l’essence de la Révélation, et fut captivé par la réponse qui lui fut donnée. Face à son insistante demande, Shâhâbâdî accepta d’enseigner à l’Imam et à quelques autres disciples choisis, les Fusûs al-Hikam d’Ibn Arabi. Bien que les bases de cet enseignement fussent le commentaire sur les Fusûs de Dâ’ûd Qaysarî, l’Imam rapporte que Shâhâbâdî présentait sa propre approche originale de ce texte. Parmi les autres textes que l’Imam étudia avec Shâhâbâdî étaient le Manâzil al-Sâ’irîn du soufi hanbalite, Khwâdja ‘Abdullâh Ansârî (mort en 482/1089) et le Misbâh al-Uns de Muhammad b. Hamza Fanârî (mort en 834/1431), un commentaire du Mafâtîh al Ghayb de Sadr-al-Dîn Qunavî (mort en 673/1274).

Il est certain que de Shâhâbâdî dérive, au moins en partie, qu’il en soit conscient ou non, la fusion du gnostique et du politique qui caractérisa la vie de l’Imam. Car ce maître spirituel de l’Imam était un des rares ’ulama’ du temps de Rezâ Shah à prêcher publiquement contre les méfaits du régime et dans son Shadharât al-Ma’arif, un ouvrage initialement gnostique, Shâhâbâdî décrit l’Islam comme “ très certainement une religion politique ” (Shadharât al-Ma’ârif, Téhéran, 1982, pp. 6-7).

La gnose et l’éthique furent aussi les sujets des premiers cours donnés par l’Imam. Les cours d’éthique donnés par Hâjî Javâd Aqâ Malikî Tabrizî furent repris trois ans après sa mort par Shâhâbâdî et quand celui-ci partit pour Téhéran, il désigna l’Imam Khomeyni pour le remplacer. Les cours consistaient tout d’abord en une lecture stylisée du Manâzil al-Sâ’irîn, mais qui s’étendait à une variété de sujets contemporains. Ils s’avérèrent populaires au point de s’étendre au delà de la banlieue de Qom si bien que les étudiants en théologie qui y assistaient se lièrent aux gens qui venaient de très loin comme Téhéran et Ispahan rien que pour écouter l’Imam. La popularité des conférences de l’Imam était contraire à la politique du régime des Pahlavi lequel voulait restreindre l’influence des ‘ulama’ hors de l’institution d’enseignement religieux. Le gouvernement décida donc le transfert des conférences du prestigieux lieu de la Fayzia madrasa à la Mollâ Sadiq madrasa, laquelle était moins adaptée aux grandes foules. Néanmoins, après la chute de Rezâ Shah en 1941, les conférences retournèrent à la Fayziya Madrasa et retrouvèrent instantanément leur popularité initiale. L’habileté à s’adresser à un peuple aussi large, pas simplement à ses propres collègues à l’intérieur de l’institution religieuse, que l’Imam manifesta pour la première fois dans ces lectures sur l’éthique, devait jouer un rôle important dans les combats politiques qu’il devait mener dans les années futures.

Tandis que l’enseignement de l’éthique rencontrait une large et diverse audience, l’Imam commença d’enseigner d’importants textes sur la gnose, dont la partie relative à l’âme du Al-Asfâr al-Arba’a de Mollâ Sadrâ (mort en 1050/1640) et le Sharh-I Manzûma de Sabzavârî, auprès d’un groupe choisi de jeunes étudiants parmi lesquels Mortazâ Motahharî et Hosseyn ‘Alî Montazirî qui deviendront deux de ses principaux collaborateurs dans le mouvement révolutionnaire déclenché trois décennies plus tard.

Quant aux premiers écrits de l’Imam, ils attestent aussi que son sujet de prédilection durant ses premières années à Qom était la gnose. En 1928, par exemple, il termina le Sharh Du’â al-Sahar, un commentaire détaillé des suppliques de l’Imam Muhammad al-Bâqir récitées durant le mois du Ramadan ; aussi, comme dans tous les travaux sur la gnose de l’Imam Khomeyni, la terminologie d’Ibn Arabî se rencontre fréquemment dans ce livre. Deux ans plus tard, il rédigea Misbâh al-Hdâya ila ‘I-Khilâfa w ‘I-Wilâya, un traité dense et systématique sur les principaux thèmes gnostiques. Une série de gloses sur le commentaire de Qaysarî sur les Fûsûs constitue un autre produit de ses années de concentration sur la gnose.

Dans une brève autobiographie écrite pour être inclue à un livre publié en 1934, l’Imam écrit qu’il a consacré beaucoup de temps à étudier et enseigner les travaux de Mollâ Sadrâ, qu’il a étudié la gnose pendant plusieurs années sous l’enseignement de Shâhâbâdî et qu’il a suivi dans le même temps les cours de jurisprudence (fiqh) de l’Ayatollah Hâ’irî. La conséquence de cette présentation est que le fiqh était alors quelque chose de secondaire pour lui. Cette situation devait changer mais la gnose devait rester pour l’Imam un sujet d’étude, d’enseignement et d’écriture. Elle constitue une partie essentielle de sa personnalité intellectuelle et spirituelle et donc a influencé beaucoup de ses activités politiques des dernières années de sa vie lesquelles ont un incontestable relent gnostique.

Durant les années 30, l’Imam ne s’engagea dans aucune activité ouvertement politique. Il a toujours cru que la guidance des affaires politiques appartenait aux plus éminents théologiens. Et il était donc obligé d’accepter la décision de Hâ’irî de rester relativement passif devant les mesures prises par Rezâ Shah contre les traditions et la culture de l’Islam en Iran. Durant ces événements, figure encore juvénile dans l’institution religieuse à Qom, il ne pouvait être en position de mobiliser l’opinion populaire sur une échelle nationale. Il était néanmoins en relation avec quelques-uns des ‘ulama’ qui s’opposaient ouvertement à Rezâ Shah, pas seulement Shâhâbâdî mais aussi des hommes comme Hâjî Nûrullâh Isfahânî, Mîrzâ Sâdiq Aqâ Tabrîzî, Aqâzâda Kifâî, et Sayyid Hasan Mudarris. Il exprima ses propres opinions sur le régime des Pahlavi et ses caractéristiques de gouvernement qu’il identifia à l’oppression et l’hostilité à la religion, mais encore allusivement, dans des poèmes qui circulaient sous le manteau.

Il assuma une attitude publiquement politique pour la première fois dans une déclaration datée du 15 Urdîbihisht 1323/4 mai 1944 quand il appela à l’action pour délivrer les musulmans d’Iran et du monde islamique en son entier de la tyrannie des pouvoirs étrangers et de leurs complices intérieurs. L’Imam commença par citer le Coran : Dis : “je vous exhorte seulement à une chose que pour Allah vous vous leviez par deux ou isolément et qu’ensuite vous réfléchissiez ; votre compagnon (Muhammad) n’est nullement possédé. Il n’est pour vous qu’un avertisseur annonçant un dur châtiment (Surat-Saba, 34-46) ”. C’est le même verset qui ouvre le chapitre sur le réveil (bâb al-yaqza) au tout début du Manâzîl al-Sâ’irîn, le maître livre du voyage spirituel primitivement enseigné à l’Imam par Shâhâbâdî. L’interprétation du “ réveil ” par l’Imam est, quoi qu’il en soit, tout à la fois spirituelle et politique, individuelle et collective, une révolte contre le relâchement intérieur et la corruption sociale.

Le même esprit de révolte justifiée inspire le premier travail de l’Imam destiné à la publication, Kashfr al-Asrâr (Téhéran, 1324/1945) . Il est dit que l’Imam rédigea ce livre en quarante jours pressé par l’urgence, et que celui ci rencontra un franc succès comme en témoignent ses deux impressions dès les premières années. Le but principal de ce livre, comme le traduit le titre, était de réfuter le Asrâr-i Hazârsâla de ‘Alî Akbar Hakamîzâda, un travail appelant à une réforme de l’Islam shi’ite. Des attaques similaires contre la tradition shi’ite avaient été lancées par Sharî’at Sanglajî (mort en 1944), un admirateur du wahabisme malgré l’hostilité marquée de cette secte envers le shi’isme, et par Ahmad Kasravî (mort en 1946), compétent en tant qu’historien mais médiocre penseur. La défense par l’Imam de quelques aspects de la pratique shi’ite comme les cérémonies d’affliction du Muharram, le pèlerinage (ziyâra) aux tombes des Imams ou la récitation des suppliques composées par les Imams, était, par conséquent, une réponse aux critiques formulées par ces trois là. L’Imam Khomeyni liait leurs assauts contre la tradition à la politique antireligieuse de Rezâ Shah et critiqua ouvertement le régime des Pahlavi comme destructeur de la morale publique. Il ne demandait pas néanmoins l’abolition de la monarchie mais proposait à la place qu’une assemblée de mujtahids compétents puisse choisir “ un juste monarque qui ne violerait pas les lois de Dieu et qui lutterait contre l’oppression et les méfaits, qui ne s’attaquerait pas à la propriété des hommes, à leur vie et à leur honneur ”. Et encore cette légitimation implicite de la monarchie n’était proposée que :“ aussi longtemps seulement qu’un meilleur régime n’aura pas été établi ” Il ne fait aucun doute que le meilleur système alors envisagé par l’Imam Khomeyni en 1944 était le vilâyt-l faqîh, qui deviendra la pierre angulaire de la constitution de la République Islamique d’Iran établie en 1979.

Quand Shaykh ‘Abd al-Karîm Hâ’iri mourut en 1936, la supervision de l’institution religieuse à Qom fut conjointement assumée par l’Ayatollah Khwânsârî, l’Ayatollah Sadr et l’Ayatollah Hojjat. Un sentiment d’inachevé, néanmoins, s’affirma. Quand l’Ayatollah Abû Hasan Isfahânî, le principal marja’-i taqlîd de ce temps, qui résidait à Najaf, mourut en 1946, le besoin d’une guidance centralisée des Shi’ites musulmans devint plus manifeste et plus accusé et on rechercha une personne singulière capable d’assumer pleinement les charges et fonctions tout à la fois de Hâ’iri et Isfahânî. L’Ayatollah Burûjirdî, alors habitant d’Hamadân, fut considéré comme la personne la plus qualifiée, et il est dit que l’Imam Khomeyni joua un rôle important pour le persuader de venir à Qom. En cela, il ne fait aucun doute qu’il était en partie motivé par l’espoir que Burûjirdî adopterait une position ferme vis-à-vis de Muhammad Rezâ Shah, le second Pahlavi régnant. Cet espoir devait être largement déçu. En avril 1949, l’Imam Khomeyni apprit que Burûjirdî avait engagé des négociations avec le gouvernement pour de possibles amendements à la constitution, et il lui écrivit une lettre exprimant ses angoisses sur les conséquences possibles d’une telle attitude. En 1955, une campagne nationale contre la secte des Bahâ’î fut lancée, pour laquelle l’Imam demanda le soutien de Burûjirdî, mais il ne rencontra qu’un succès mitigé. Quant aux personnalités religieuses qui militaient alors activement sur le plan politique, notamment l’Ayatollah Abû’I-Qâsim Kâshânî et Navvâb Safavî, le leader des Fidâ’îyân-i Islam, les contacts de l’Imam avec eux étaient sporadiques et peu fructueux. Sa répugnance pour l’action politique directe à cette époque était certainement due à sa croyance que tout mouvement pour un changement radical devait être conduit par les échelons élevés de la hiérarchie religieuse. Ajouté à cela que le plus influent personnage de la confuse et encombrée scène politique du moment était le nationaliste laïc Dr. Muhammad Mossadeq.

L’Imam Khomeyni par conséquent se replia à Qom durant les années de la guidance de Burûjirdî, donnant des cours de jurisprudence (fiqh) et rassemblant autour de lui des étudiants qui plus tard deviendront ses collaborateurs dans le mouvement qui mènera à la chute du régime des Pahlavi, pas seulement Motahharî et Montazarî, mais de très jeunes hommes comme Muhammad Javâd Bâhonar et ‘Alî Akbar Hâshimi-Rafsanjânî. En 1946, il commença d’enseigner l’usûl al-fiqh dans la perspective jafar’ite, prenant comme texte le chapitre sur les profondeurs rationnelles du second volume du Kifâyat al-Usûl de Akhûnd Muhammad Kâzim Khurâssânî (mort en 1329/1911). Initialement suivi par moins d’une trentaine d’étudiants, le cours devint si populaire à Qom que cinq cents étudiants étaient dans l’assistance la troisième fois qu’il fut donné. Suivant les souvenirs de quelques uns de ceux qui suivirent le cours, celui-ci se distinguait des autres donnés à Qom sur le même sujet par l’esprit critique que l’Imam instillait chez ses étudiants, aussi bien que par son habilité à lier le fiqh avec toutes les autres dimensions de l’Islam, éthique, gnostique, philosophique, politique et sociale.

La finalité des activités de l’Imam commença de changer avec la mort de Burujirdi le 31 mars 1961 car il apparaissait maintenant comme l’un de ses successeurs. Cette émergence fut marquée par la publication de quelques écrits sur le fiqh, le plus important étant l’habituel manuel de pratique religieuse intitulé Tanzih al-Masa’il. Il fut bientôt accepté comme marja’ i-taqlid par un grand nombre de Shi’ites iraniens. Son rôle de guide était néanmoins destiné à aller au delà de ce qui était traditionnel pour un marja’ i-taqlid et à atteindre à une dimension unique dans l’histoire des ‘ulama’ shi’ites.
 

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