La Connaissance
1. Introduction
2. L ’aspect formel
3. Le raisonnement intellectuel
4. La connaissance gnostique
1. Introduction
La pensée religieuse est une forme de pensée qui s’occupe de la question existentielle et sociale telle qu’elle se pose à l’intérieur d’une religion particulière, tout en s’appuyant sur un système de croyances. Elle doit posséder des sources sûres d’où elle prend naissance et sur lesquelles elle s’appuie.
La seule source sur laquelle s’appuie l’Islam et sur laquelle il est fondé, dans la mesure où il est d’origine divine, est le Coran. C’est le Coran qui est le Message définitif et universel et la preuve toujours vivante de la prophétie de Mohammad. Naturellement, le fait que le Coran soit à lui seul la source de la pensée religieuse musulmane n’exclut pas les autres sources d’une vraie pensée.
Le Coran, dans ses enseignements, évoque trois voies conduisant à la compréhension des buts de la Religion :
a) La voie de l’aspect formel
b) La voie du raisonnement rationnel
c) La voie de l’expérience spirituelle
On constate que le Coran, dans son aspect formel, s’adresse à tous, parfois sans fournir de démonstration, ni preuve. Se basant sur l’unique souveraineté de Allah, il ordonne aux humains d’accepter les principes de la foi tels que l’Unicité et la Prophétie. Il leur adresse des ordres pratiques tels que la prière et la paix et, parallèlement, leur interdit de commettre certaines actions telles que l’ingratitude et la corruption. Si le Coran n’avait pas été investi d’autorité concernant ses commandements, jamais il n’aurait attendu de l’humain qu’il les accepte et leur obéisse. On comprend par cela que les pratiques répétées préconisées par le Coran sont une voie pour pénétrer sa science et comprendre les fins ultimes de la Religion.
Outre son rôle pédagogique dans l’aspect extérieur de la Religion, on voit que le Coran encourage l’humain à une approche rationnelle des choses. Il invite l’humain à méditer, à contempler et à discuter les signes de Allah dans le macrocosme et dans le microcosme. Il expose nombre de vérités qu’il soumet au libre raisonnement intellectuel. Le Coran témoigne de la validité de la preuve intellectuelle et de la démonstration rationnelle. Il n’impose pas à l’humain d’accepter la validité des enseignements islamiques avant de les avoir justifiées par des preuves intellectuelles. Au contraire, totalement confiant en la vérité de sa position, il proclame que l’humain doit d’abord appliquer son intelligence à découvrir la vérité des enseignements islamiques et seulement ensuite accepter cette vérité. Il doit chercher la confirmation du message islamique dans la création qui est par elle-même un témoin véridique. Ainsi, il ne croira que lorsqu’il possédera les preuves de la véracité et de la justesse de sa foi. L’humain trouvera finalement l’affirmation de sa foi dans les conclusions de la démonstration rationnelle. La validité et l’efficacité de la pensée rationnelle se trouvent par conséquent confirmées par le Coran.
En plus de son rôle de guide dans les aspects extérieurs et rationnels de la Religion, le Coran explique en termes subtiles que toute science réelle provient de l’Unicité divine ainsi que de la connaissance exacte de Allah et de ses attributs. La connaissance de Allah appartient en perfection à ceux qu’Il a attiré de toutes parts et qu’Il a fait siens.
Ceux-là se sont oubliés eux-mêmes et ont perdu tout intérêt pour les activités mondaines et, en raison de la sincérité de leur obéissance à Allah, se sont rendus capables de concentrer toutes leur puissance et leur énergie sur le monde transcendant. Leurs yeux ont été illuminés par la vision de la lumière du Créateur. Avec l’aide du discernement, ils ont contemplé la réalité des choses dans le Royaume du ciel et de la terre, car par la sincérité de leur obéissance, ils ont atteint l’état de certitude. En conséquence de cette certitude, le royaume du ciel et de la terre et la vie immortelle du monde éternel leur a été révélé. On peut donc affirmer que l’unes des voies pour la compréhension des vérités réside dans la purification de l’âme charnelle et la sincérité de l’obéissance à Allah.
En résumé, le Coran propose donc trois méthodes pour la compréhension des vérités religieuses : la soumission aux aspects extérieurs ou formels de la religion, le raisonnement intellectuel et enfin, la sincérité dans l’obéissance menant à l’intuition intellectuelle qui dévoile la vérité et la fait saisir au moyen d’une vision intérieure. Nous allons détailler ces trois méthodes dans ce qui suit.
2. L’aspect formel
Le Coran qui est la source principale de la pensée religieuse en Islam a investi d’une entière autorité, pour ceux qui écoutent ses messages, le sens externe (ou premier) de ses paroles. Ce même sens externe des versets coraniques considère encore les paroles du Prophète lui-même comme complémentaire des paroles du Coran, en déclarant qu’elles jouissent de la même autorité que le Coran.
Il est bien évident que de tels versets n’auraient aucun sens si les paroles et les actes du Prophète, et même son silence ou son approbation, n’avaient pour nous la même autorité que le Coran. Ainsi, les paroles du Prophète font autorité : elles doivent être acceptées par ceux qui les ont entendues ou reçues à travers une transmission digne de confiance. Il se trouve que par une telle chaîne de transmission entièrement authentique, on sait que le Prophète a dit : « Je laisse deux grands guides parmi vous : le Coran et les membres de ma famille ». Selon ce hadith et d’autres, établis avec certitude, les paroles des membres de la maison du Prophète forment un corpus complémentaire aux hadiths prophétiques. Les membres de la famille du Prophète, en Islam, ont autorité en matière de connaissance et de science religieuse, ils sont infaillibles dans l’interprétation des enseignements et des commandements de l’Islam ; leurs paroles reçues oralement ou par transmission sûre font autorité.
La source traditionnelle de l’aspect formel de la Religion, qui constitue en même temps le document autorisé essentiel et le fondement de la pensée religieuse en Islam, réside donc dans le Coran et la Sunnah, c’est-à-dire, les hadiths du Prophète et de sa famille entendus par les compagnons (tout Musulman présent de son vivant.)
Les hadiths transmis par les compagnons sont traités selon les principes suivants : s’ils concernent des paroles et des actions du Prophète et ne contredisent pas les hadiths de la famille du Prophète, on les considère comme acceptables. S’ils contiennent seulement les vues et les opinions des compagnons eux-mêmes et non celles du Prophète, ils ne sont pas autorisés comme source de commandement religieux. A cet égard, le jugement des compagnons est identique à celui de n’importe quel autre musulman. D’ailleurs, les compagnons eux-mêmes contredisaient les autres compagnons comme n’importe quel autre croyant.
Le Coran est la source principale de toute la pensée islamique. C’est lui qui confère validité et autorité aux autres sources religieuses de l’Islam. Il doit donc être compréhensible pour tous. Les hadiths Prophète et de sa famille ne sont en réalité que le développement du contenu du Coran. Par exemple, seuls les principes généraux des lois sont contenus dans le Coran, leurs détails ne peuvent être connus qu’en se rapportant aux traditions du Prophète et de sa famille.
Quant aux autres parties des enseignements islamiques traitant des doctrines et des pratiques éthiques, bien que leur contenu et leurs détails puissent être saisis apparemment par tous, la pleine compréhension de leur signification dépend de l’acceptation de l’enseignement de la famille du Prophète.
De même, chaque verset du Coran doit être expliqué et interprété par d’autres versets coraniques, et non par des vues qui ne nous sont devenues acceptables que par la force de l’habitude et de la coutume. Ceux qui ont étudié attentivement les hadiths de la famille du Prophète et des compagnons les plus éminents savent que le commentaire du Coran par le Coran est la seule méthode de commentaire coranique enseignée par la famille du Prophète.
A travers ses paroles, le Coran exprime des intentions religieuses et édicte des commandements pour l’humanité en matière doctrinale et pratique. Mais la signification du Coran ne se limite pas à ce niveau. En fait, derrière ces mêmes expressions et à l’intérieur même de leurs significations existent des niveaux plus profonds et plus vastes que seule l’élite spirituelle possédant un cœur pur peut comprendre. Cette élite est constituée par le Prophète lui-même, ainsi que les Imams.
Une réflexion suffisante sur les versets coraniques et les hadiths de la famille du Prophète manifeste clairement que le Coran, avec son langage plein de séduction et d’éloquence et son expression lucide, ne recourt jamais à des procédés d’exposition énigmatiques, mais, au contraire, expose toujours n’importe quel sujet dans un langage clair.
Le « ta’wil », ou interprétation herméneutique du Coran, ne se rapporte pas seulement à la signification des mots. Il concerne plutôt certaines vérités qui transcendent la compréhension du commun des humains, bien que ce soit de ces vérités et de ces réalités qu’émanent les principes doctrinaux et les recommandations pratiques du Coran.
L’ensemble du Coran possède le sens du « ta’wil », de la signification ésotérique, qui ne peut être comprise directement par la seule pensée humaine. Seuls les prophètes et les purs parmi les amis de Allah, qui sont libérés, peuvent contempler ces significations tout en vivant dans la condition présente de l’existence. Au jour de la résurrection, le « ta’wil » du Coran sera révélé à chacun.
Par conséquent, si nous acceptons l’hypothèse que dans l’échelle de l’existence universelle, il existe d’immenses niveaux de réalités indépendants du monde de la matière, et qu’à chaque génération, il ne se trouve dans l’humanité qu’un petit nombre à posséder la capacité de comprendre et d’avoir une vision de ces réalités, alors les questions relatives à ces mondes supérieurs ne peuvent être saisis à travers les expressions verbales et les modes de pensée communs. On ne peut s’y référer que par allusion et à travers des symboles. On peut expliquer cela par le fait que ce qui oblige l’humain à utiliser le discours, à créer des mots, et à se servir du langage, n’est pas autre chose que ses besoins sociaux et matériels.
Authenticité et validité des hadiths
Le principe selon lequel le Coran atteste la validité du hadith est indiscutable. Mais du fait de l’incapacité des premiers chefs de l’Islam à préserver et à conserver le hadith (intact) et en raison des excès d’un groupe de compagnons du Prophète dans la diffusion de la littérature du hadith, le corpus du hadith rencontrera certaines difficultés.
D’une part, les califes de l’époque empêchèrent l’enregistrement écrit du hadith et ordonnèrent que toute feuille contenant un texte de hadith soit brûlée. Parfois même, tout regain d’activité dans la transmission et l’étude du hadith fut interdit. De cette manière, une certaine quantité de hadith fut oubliée ou perdue et quelques-uns furent même transmis avec un sens différent ou déformé.
D’autre part, une autre tendance prévalut chez un groupe de compagnons du Prophète qui avait l’honneur de vivre en sa présence et d’entendre ses paroles. Ce groupe, qui était respecté par les califes et la communauté musulmane, déploya un effort immense pour diffuser le hadith. Ils poussèrent cet effort si loin que le hadith surpassa le Coran et que certains versets coraniques furent considérés comme abrogés par un hadith. Les transmetteurs de hadiths parcouraient souvent de grandes distances et supportaient toute sorte de difficultés pour recueillir une seule parole du Prophète.
Un groupe d’étrangers qui s’étaient déguisés sous les apparences de l’Islam, ainsi que certains ennemis à l’intérieur des rangs de l’Islam, se mirent à modifier et à déformer quelques hadiths, et diminuèrent la fiabilité et la validité du hadith qui était alors entendu et connu. Les savants musulmans se mirent en quête d’une solution à ce problème. C’est ainsi qu’ils créèrent les sciences relatives à la biographie des personnalités et des chaînes de transmetteurs du hadith afin de discerner les vrais hadiths des faux.
En plus de la recherche d’authenticité d’une chaîne de transmetteurs, la corrélation du hadith avec le Coran est une condition nécessaire de sa validité. Il existe plusieurs hadiths du Prophète et des Imams, pourvus d’une chaîne de transmetteurs authentiques, qui affirment eux-mêmes qu’un hadith contraire au Coran n’a pas de valeur ; seul un hadith en accord avec le Coran peut être considéré comme valide.
3. Le raisonnement intellectuel
Le Coran tient pour légitime et approuve la pensée rationnelle. Il la considère en fait comme une partie intégrante de la pensée religieuse. La pensée rationnelle, dans son acception coranique, après avoir confirmé la prophétie de Mohammad, fournit des démonstrations rationnelles de la validité de l’aspect extérieur du Coran, comme de la validité des paroles du Prophète et de sa noble famille.
Les preuves intellectuelles qui aident l’humain à trouver des solutions à ses problèmes à travers la nature que Allah lui a donné sont de deux sortes : démonstratives et dialectiques.
La démonstration est une preuve dont les prémisses sont vraies, même si elles ne sont pas observables ou évidentes. Ce type de pensée est appelé pensée rationnelle, et est utilisé avec des personnes ne partageant pas le même système de croyance.
La dialectique est une preuve dont les prémisses sont basées, en totalité ou en partie, sur des données observables : c’est le cas des fidèles d’un système de connaissance dont l’attitude consiste à prouver leurs vues à l’intérieur de ce système en avançant les principes certains et évidents de ce dernier.
Le Coran a utilisé les deux méthodes pour mettre en évidence une réalité. Premièrement, concernant la démarche démonstrative, le Coran ordonne la recherche libre et la méditation sur les principes généraux de l’ordre cosmique, tels que l’harmonie, ainsi que sur des ordres particuliers, tels que l’alternance du jour et de la nuit. Deuxièmement, il invite l’humain à mettre en œuvre la pensée dialectique dans le dialogue avec les gens du Livre, qu’ils soient Juifs, Chrétiens ou Musulmans, pourvu qu’elle soit menée de la meilleure manière possible, c’est-à-dire dans le but de manifester la vérité sans querelle, et par des humains qui possèdent les vertus morales nécessaires.
4. La connaissance gnostique
La capacité de compréhension des sciences de transcendance, qui sont la source de la vie intérieure, diffère selon les personnes. Tout d’abord, il y a ceux pour qui il n’y a aucune réalité derrière l’existence physique et la vie matérielle de ce monde éphémère. De tels individus sont attachés aux seuls appétits matériels et aux seuls désirs physiques. Ils nient l’existence de la Vérité.
Bien que la plupart des humains ne se préoccupent que de gagner leur vie et de satisfaire leurs besoins quotidiens, dans un oubli total des choses spirituelles, il reste cependant dans le fond de la nature humaine un besoin inné de recherche de la réalité ultime. Chez certains d’entre eux, cette force, qui habituellement sommeille, se réveille et se manifeste selon deux catégories :
Premièrement, il y a ceux qui acceptent les enseignements aux niveaux de la simple croyance et l’accomplissement purement externe des commandements pratiques de l’Islam, sans nulle compréhension. Ils adorent Allah dans l’espoir d’une récompense ou par peur d’une punition dans l’autre monde.
Mais il y a aussi ceux qui, de par la pureté de leur nature, considèrent que leur bien-être ne réside pas dans l’attachement aux plaisirs éphémères de ce monde. Les pertes et les gains, les expériences amères et douces ne sont pour eux qu’une illusoire tentation. Le souvenir de ceux qui, avant eux, sont passés dans la caravane de l’existence, qui hier recherchaient le plaisir et aujourd’hui ne sont plus que débris, relégués aux oubliettes, constitue un avertissement toujours présent devant leurs yeux.
Il est évident que le sens intérieur du Coran n’abolit ni ne réduit son sens extérieur. Il est plutôt comme l’âme qui donne vie au corps. L’Islam, religion universelle et éternelle, qui met la plus grande insistance sur la réformation de l’humanité, ne peut jamais se dispenser de ses lois extérieures conçues pour le bénéfice de la société, ni des doctrines élémentaires qui en sont les gardiennes.
Comment une société, qui prétendrait que la Religion n’est qu’une affaire de cœur, que seul le cœur de l’humain doit être pur et que les actions n’ont aucune valeur, pourrait-elle atteindre le bonheur alors que la somme des intérêts individuels aboutirait, par la force des choses, au désordre ? Comment des actions et des paroles impures pourraient-elles causer un cœur pur et comment des paroles impures émaneraient-elles d’un cœur pur ?
Ces humains aux cœurs purs ont une inclination naturelle vers le monde de l’éternité. Ils voient les différents phénomènes de ce monde comme des symboles annonciateurs du monde supérieur, et non comme des réalités persistantes et indépendantes. C’est ainsi qu’à travers les signes terrestres et célestes, à travers les signes dans ce monde et dans l’âme humaine, ils contemplent en vision spirituelle, la lumière infinie de la majesté et de la beauté de Allah. Leurs cœurs s’emplissent de l’ardent désir de comprendre les symboles secrets de la création. Au lieu de demeurer captifs de la recherche des avantages personnels et de l’égoïsme, ils prennent leur envol dans l’espace illimité du monde éternel et avancent toujours plus loin vers le zénith du monde spirituel.
Quand ils entendent par la Révélation que Allah a interdit l’adoration des idoles, laquelle, extérieurement, consiste à s’incliner devant une idole, ils comprennent cet ordre comme une interdiction d’obéir à un autre que Allah, car obéir signifie s’incliner devant quelqu’un et le servir. Au-delà de cette signification, ils comprennent qu’ils ne doivent éprouver ni espoir ni crainte, sauf par rapport à Allah. Plus encore, ils ne doivent pas se soumettre à l’appel de leurs appétits égoïstes, et finalement, ils ne doivent jamais détourner leur attention de Allah.
De même, quand ils entendent le Coran dire qu’ils doivent prier, le sens extérieur de cet ordre signifiant l’accomplissement des rites particuliers des prières, ils comprennent au moyen du sens intérieur qu’ils doivent adorer Allah et lui obéir de tout leur cœur et de toute leur âme. Au-delà de cela, ils comprennent que devant Allah, ils doivent se considérer comme néant, s’oublier et ne se souvenir que de Allah.
Tout humain croit en une réalité permanente, en dépit des prétentions des sophistes et des sceptiques qui donnent à toute vérité et à toute réalité le nom d’illusion ou de superstition. Lorsque l’humain a un esprit pur, il perçoit simultanément l’impermanence et le caractère éphémère des diverses parties et éléments du monde et la réalité permanente imprégnant l’univers et l’ordre créé. La joie de saisir cette réalité efface toute autre joie aux yeux de celui qui l’éprouve, et fait apparaître toutes les autres comme insignifiantes.
Cette vision est « l’attirance divine » de la gnose, qui attire l’attention de l’humain centré sur Allah, vers le monde transcendant et éveille l’amour de Allah en son cœur. Par cette attraction, il oublie toutes les autres choses. Ses multiples désirs et souhaits sont effacés de son esprit. Cette attraction conduit l’humain à l’adoration et à la louange de la divinité invisible, qui en réalité, est plus évidente et plus manifeste que tout le visible et l’audible. Le gnostique est celui qui adore Allah par amour pour Lui et non pas dans l’espoir d’une récompense, ni d’une peur d’une punition.
De ce qui précède, il ressort clairement que la gnose est une des voies de l’adoration, une voie fondée sur la connaissance mêlée d’amour, plutôt que sur l’espérance et la peur. C’est la voie qui permet de réaliser la vérité intérieure de la Religion, plutôt que de se contenter de sa forme extérieure et de la pensée rationnelle.
Allah, à plusieurs endroits dans le Coran, a ordonné à l’humain de réfléchir sur le Livre sacré et de persévérer dans cet effort sans se contenter d’une compréhension superficielle et élémentaire du Livre.
Dans plusieurs versets, le monde de la création et tout ce qui s’y trouve, sans aucune exception, est nommé signe et symbole du divin. Un certain degré de réflexion sur le sens de ces signes et de ces merveilles, et l’intelligence de leur signification réelle, feront comprendre qu’ils sont le signe de quelque chose d’autre qu’eux-mêmes.
Si le monde et ses phénomènes sont tous, et sous tous les rapports, des signes et des merveilles de Allah, Créateur de l’univers, ils ne possèdent aucune indépendance ontologique par eux-mêmes. De quelque manière que nous les regardions, ils ne manifestent rien d’autre que Allah. Celui qui, grâce à l’enseignement et la direction du Coran, se rend capable de voir le monde et ses habitants avec de tels yeux, ne verra nul autre que Allah. Au lieu de voir seulement cette beauté empruntée que les autres voient dans l’apparence attrayante du monde, il verra une beauté infinie. C’est au moment de la réalisation de cette vérité que l’humain est purifié de son existence séparée et que d’un unique élan, il place son cœur entre les mains de l’amour divin. Il est clair que cette réalisation ne s’accomplit pas à l’aide de l’œil, de l’oreille ou d’un autre sens externe, ni par la puissance de l’imagination ou de la raison, car tous ces instruments sont eux-mêmes des signes et ils sont de peu de signification en ce qui concerne la voie spirituelle ici recherchée.
Celui qui a atteint la vision de Allah et qui n’a d’autre intention que de se souvenir de Allah et d’oublier tout le reste, comprend que le seul chemin royal qui le guidera parfaitement et complètement est le chemin de la « réalisation de soi ». Son véritable guide, qui est Allah lui-même, lui enjoint de se connaître, d’oublier toutes les autres voies, et de ne chercher que la voie de la connaissance de soi, de voir Allah par la fenêtre de son âme, pour atteindre ainsi l’objet réel de sa recherche.
Quant à la méthode pour suivre cette voie, il y a plusieurs versets du Coran qui commandent à l’humain de se rappeler de Allah, dont l’un des moyens est le « dhikr » ou « souvenir », qui consiste notamment en la répétition de son Nom. Il est également ordonné à l’humain d’accomplir des actions justes, décrites en détail dans le Coran et les hadiths. En conclusion de cette description des actions justes, Allah dit : « Vous avez dans l’Envoyé de Allah un excellent modèle pour vous. »