La ministre de l'Éducation a suscité un tollé en suggérant de représenter la Cisjordanie dans les manuels.
LA MINISTRE travailliste de l'Éducation, Youli Tamir, a déclenché les foudres de la droite israélienne en décidant de faire apparaître, pour la première fois, les frontières d'avant 1967 sur la carte des manuels scolaires en Israël. Cette question reste très sensible près de quarante ans après la guerre israélo-arabe des Six-Jours, l'État hébreu n'ayant *toujours pas déterminé sa frontière orientale. Les partisans d'un « Grand Israël » incluant la Cisjordanie et le plateau du Golan craignent que l'initiative de Tamir n'officialise la ligne verte, c'est-à-dire la ligne d'armistice de 1949, comme frontière de leur pays.
Youli Tamir, membre de l'aile gauche du Parti travailliste, a justifié son initiative en expliquant qu'il n'était pas possible d'enseigner l'Histoire sans connaître la frontière d'Israël avant la guerre de 1967. « Il a été décidé délibérément de faire disparaître la ligne verte, a-t-elle regretté, en parlant de la décision des précédents gouvernements de ne pas faire figurer la démarcation entre Israël et les Territoires palestiniens dans les cartes officielles. Mais je ne crois pas que nous devons éduquer dans l'ignorance. »
Villes arabes ignorées
Lors de la guerre de juin 1967, Israël a conquis et occupé le plateau syrien du Golan, la péninsule du Sinaï (restituée à l'Égypte dans les années 1980), la bande de Gaza (officiellement évacuée en 2005) et la Cisjordanie, ainsi que Jérusalem Est. Il occupe toujours le Golan et la Cisjordanie, où vivent quelque 270 000 colons juifs, ainsi que Jérusalem Est où vivent plus de 200 000 colons.
Réunis d'urgence, les rabbins des colons ont décidé de boycotter les futurs manuels et ont adressé une menace voilée à Tamir. « La ministre de l'Éducation devrait se souvenir de ce qui est arrivé à Ariel Sharon, qui a oeuvré contre les implantations de Judée-Samarie (Cisjordanie, NDLR) », ont-ils prévenu, persuadés que l'ancien premier ministre, dans le coma depuis près d'un an, a été châtié pour avoir évacué les colonies de la bande de Gaza.
Le Likoud, le grand parti de la droite, a déposé, avant-hier, une motion de censure à la Knesset. Son chef, Benyamin Nétanyahou, dénonce une décision « étrange et scandaleuse ». « Depuis des années, je me suis battu, avec d'autres, pour changer les inscriptions sur les cartes afin de ne pas déterminer les résultats des accords futurs. Et maintenant, Tamir décide que ces inscriptions doivent se plier aux demandes des Arabes ! », s'est-il emporté.
Selon une étude de Nourit Pered-Elhanan, professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem, la ligne verte a peu à peu été effacée des manuels scolaires israéliens, dont les cartes ignorent aussi certaines villes arabes situées en Israël et dans les Territoires palestiniens. En revanche, des colonies juives situées en Cisjordanie occupée sont présentées comme une partie intégrante d'Israël. Le premier ministre, Ehoud Olmert, juge quant à lui qu'il n'y a « rien de mal à faire figurer la ligne verte » sur les cartes. « Mais, a-t-il ajouté, il faut souligner le fait que le gouvernement est opposé à un retour aux frontières de 1967, ce qui reflète un consensus au sein de la population. »
