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L’esprit critique en physique musulmane:Ibn al-haythem, Birouni et Ibn Roshed

ithviriw

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Assalamou 'alaïkoum wa Rahmatou Allahi wa Barakatouhou;

Imaginez le fossé qui sépare ces savants musulmans du Moyen âge, de ces primitifs qui s'occupent de nous dire que TOUT est haram, sauf adorer les "émirs", comme ceux qui ont brûlé les bibliothèques et détruits les manuscrits, ou assassiné les savants qui refusent de se plier aux ordres des souverains, califes, empereurs, ou présidents à vie, ou encore émirs sataniques...

source
Abdelkader Bachta, L’esprit critique en physique musulmane(1) Ibn al-haythem, Birouni et Ibn Roshed , www.dogma.lu octobre 2012
Introduction : Le concept chez Ibn al-Haythem, birouni et Ibn Roshed

-*‐ Disserter sur l’esprit critique chez les physiciens musulmans, que nous nous proposons de faire, c’est, pour ainsi dire, mesurer le degré de liberté qu’ils ont eu par rapport à l’héritage antérieur, notamment grec.
-*‐ Il faut remarquer, à ce propos, que ces savants peuvent être classés en deux grandes catégories qui sont :
1) ‘’Les positivités’’ comme al Kindi, Ibn al-Haythem et Birouni, qui, sans abandonner, complètement, la raison pure, sont, plutôt, prisonniers des techniques expérimentales et mathématiques.
2) D’autres, comme al Farabi et Ibn Roshed, sont, surtout, portés à la spéculation et à la métaphysique, en traitant les choses naturelles, sans, toutefois, renoncer, entièrement , au concret.
-*‐ Cependant, quelle que soit l’école à laquelle appartient un physicien en général, l’essentiel de son activité est le concept : nous voulons parler de cette entité intellectuelle qui motive et détermine tout le programme technique (mathématique et expérimental) (2)
-*‐ C’est, donc, à ce niveau, que nous allons répondre à la question posée.
‘’L’école positiviste’’ sera représentée par Ibn al-Haythem dans son oeuvre d’optique al Mandher, et par Birouni dans son livre d’astronomie, Canoun al Messaoudi.
Quant aux métaphysiciens, c’est Ibn Roshed, dans un manuscrit sur les tempéraments, qui les représentera.
Ces trois exemples nous donnent, du reste, un éventail large et diversifié, de la physique musulmane.
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(1) Il s’agit du texte d’une communication faite dans un colloque international, organisé par l’institut des études islamique, à Kairouan (27,28, 29 septembre 2011) et ayant pour titre L’islam et la liberté de penser... Nous avons, en fait, résumé notre livre, L’esprit scientifique et la civilisation arabo-musulmane (L’Harmattan, 2004), nous avons utilisé aussi, largement, notre livre, L’épistémologie scientifique des Lumières (L’Harmattan 2001).
(2) L’esprit scientifique et la civilisation arabo-musulmane – quatrième partie P95/97.
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I. Ibn al-Haythem dans al Manadher: L’héritage optique, la critique et la synthèse récupératrice.


1) L’héritage optique : ahl attabia et ahl attaalim.

a) Avant l’avènement d’al Manadher, a fleuri, chez les grecs, une école d’optique qu’Ibn al-Haythem nomme, délibérément, ahl attabia (les naturalistes). Il s’agit, au fond, d’un groupe de savants qui s’occupaient, essentiellement, de la biologie de l’oeil ; leur démarche fait intervenir les idées de couleurs et de lumières expliquant la vision-même.
b) Cette tendance, décrite dans sa généralité, était en compétition avec une autre que l’auteur appelle ‘’ahl attaalim’’ (l’école didactique) dont l’occupation principale consiste à déterminer la fonction de l’oeil, abstraction faite de sa constitution naturelle. Cette association savante est formée de géomètres et de physiciens qui s’intéressent aux notions de forme, de situation, de grandeur, de mouvement et de repos. On
peut résumer leur position générale ainsi : la vision se fait au moyen d’un rayon qui sort de l’oeil pour arriver à l’objet susceptible d’être perçu. En outre, on précise que ce rayon est conique, que sa base se situe au plan où existe l’objet à percevoir et que son sommet se trouve au centre de l’oeil. L’attitude géométrisante de cette école est nette

2) La critique : Insuffisance des deux écoles :

a) Usant de son esprit critique, nécessaire à tout savant digne de ce nom, Ibn al Haythem trouve que la première thèse est incomplète, que deux éléments, au moins, lui manquent, qui sont :
(1) l’idée de transparence du milieu séparant l’oeil de l’objet (on ne peut pas voir dans l’obscurité)
(2) la nécessité de la ligne droite pour que la perception soit réalisable. Ici, on se rapproche de la seconde société savante.
b) Mais le refus, par l’auteur, de la seconde division est plus catégorique, plus violent, ce qu’Ibn al Haythem révoque, surtout, c’est l’idée d’un rayon lumineux sortant de l’oeil et permettant la perception. Il dit, à ce propos, en substance, que c’est là un point de vue impossible et honteux. Cependant, malgré la sévérité des attaques contre l’école didactique, l’auteur retient l’attitude géométrisante du phénomène de la perception qu’elle contient.
3) Une synthèse récupératrice : Pour établir sa propre conception, Ibn al Haythem va, tout simplement, récupérer les aspects qu’il considère comme positifs des deux directions antagonistes dans une synthèse où les dimensions considérées
comme négatives sont rejetées. C’est ainsi qu’il garde, par exemple, le point de vue naturaliste relatif à la nécessité de la lumière et des couleurs et l’exigence de géométrisation venant de l’autre orientation (3). Un dixhuitièmiste ne peut pas ne pas se souvenir, par exemple, de d’Alembert, au siècle des Lumières, (toute proportion gardée bien entendu). En effet, le principe dit de d’Alembert n’est autre chose, au fond, qu’une synthèse récupératrice des lois newtoniennes du mouvement. En tout cas, la révolution est, dans les deux cas absente (4).


II. Birouni dans Canoun al Messaoudi : Liberté d’esprit à l’égard de l’astronomie ancienne, mais conservation des principes fondamentaux sur quoi elle repose.

1) L’astronomie ancienne : dans la première dissertation du Canoun, qui est le texte proprement astronomique de l’ouvrage, Birouni fait preuve d’une grande connaissance des deux théories régnantes, à son époque, que représentaient Ptolémée et Aristote ; il fait état, également, de recherches qu’on peut appeler accessoires comme celles, fort studieuses, ayant été entreprises par l’équipe très dynamique d’Al Maamoun. La question est de savoir comment il va aborder cet ensemble de connaissances étendues et diversifiées.
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(3) Ibid - 105/109.
(4) L’épistémologie scientifique des lumières, ibid 157/176
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- La liberté d’esprit chez Birouni et ses manifestations

a) La volonté d’être critique, chez cet auteur, est évidente. Il nous dit, en effet, explicitement, ceci : «Je n’ai pas suivi les prédécesseurs qui sont capables de se tromper…J’ai fait ce que tout chercheur doit faire, c'est-à-dire respecter leurs efforts et corriger leurs erreurs sans aucune crainte»
b) Cet esprit libre s’est manifesté, à plusieurs reprises, dans le texte du Canoun. Citons quelques exemples :
(1) Contre Ptolémée, à propos de la forme de la terre, il déclare que les démonstrations de cet astronome ne sont pas toujours indispensables à l’activité strictement astronomique, qu’il y a dans son oeuvre, des digressions inutiles.
(2) Concernant la position de la terre dans le monde, il établit, théoriquement, une idée trop précoce pour l’époque : notre globe serait attiré par le ciel de tous les côtés. Ce n’est pas encore, il est vrai, l’attraction newtonienne, mais cette pensée, dans son contexte historique, a de quoi étonner.
(3) Il est même question, dans cet ouvrage, de la mobilité possible de la terre. Birouni se contente ici de citer un astronome arabe, dont il n’indique pas le nom, qui aurait dit que la terre tourne autour de son axe.

Mais malgré ces critiques hardies, l’auteur a conservé les deux postulats fondamentaux de l’astronomie ancienne qui sont :

2) Conservation des deux postulats fondamentaux de l’astronomie ancienne :
a) Les mouvements célestes se font dans des cercles et avec des vitesses constantes. Cette idée, qui est suggérée, en fait, par Platon, est suivie par Ptolémée et Aristote (malgré les différences entre ces deux savants) et même par Copernic. La révolution débutera par Kepler.
b) La sphéricité du monde et la fixité de la terre en son centre, qui est, également, une thèse d’origine platonicienne, et que Ptolémée et Aristote avaient acceptée, chacun à sa manière. A ce niveau, le bouleversement révolutionnaire se fera avec Copernic(5). Cette conservation de l’essentiel de l’astronomie régnante nous rappelle encore une fois le dix-huitième siècle (toutes proportions gardée toujours). Nous savons, en effet, que d’Alembert, Euler et, surtout Clairaut ont critiqué, parfois sévèrement, l’attraction universelle, chez Newton, mais faute d’une autre pièce de rechange, ils l’ont maintenue et l’ont appliquée dans leur science(6).

III. Ibn Roshd : Le rejet de la thèse gallienne conformément à deux principes aristotéliciens.

a) La théorie de Gallien : considérer des quantités moyennes. Ce penseur médiéval s’occupe des quatre tempéraments et de leur combinaison : il s’agit du chaud et du froid d’une part et du sec et de l’humide de l’autre. (On voit bien que ces tempéraments sont en étroite relation avec les quatre éléments, bien connus des grecs). Partant de l’idée qu’il n y a pas de quantités absolues des tempéraments, mais qu’il n’en existe que des grandeurs moyennes, il en conçoit quatre autres qui se formeraient à partir des moyennes des tempéraments initiaux. Sur sa lancée, Gallien postule, aussi, un neuvième tempérament qui s’obtiendrait en ajoutant les moitiés respectives des premières. Cette classification gallienne repose, au fond, sur l’arithmétique des proportions chère aux grecs. En effet, la mathématisation, chez ceux-ci, se réduisait au calcul des proportions et à une certaine géométrie que le livre 5 des éléments d’Euclide a combinée en un seul ensemble.
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(5), ibid, p/p 109/112
(6) L’esprit scientifique et la civilisation arabo-musulmane (ibid) ; L’épistémologie scientifique des lumières p/p 127/135 (par exemple)
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b) Le rejet du point de vue de Gallien par Ibn Roshd. Le penseur musulman n’admet pas cette manière de voir. Ce qu’il récuse, surtout, c’est l’idée de quantités moyennes et celle de la possibilité d’unir des quantités égales en un seul tout. Dans ce cas, il faudrait corriger les équations mathématiques sous-jacentes à la pensée de Gallien. C’est ce que nous avons fait, en montrant que le savant musulman demeure prisonnier de l’idée de proportion, mais à sa manière : il aurait introduit une variable qui tient compte de l’influence réelle des tempéraments. Justement, pour Ibn Roshed, les tempéraments ne sont pas d’égales influences. Nous retrouvons, en réalité, deux principes aristotéliciens qu’Ibn Roshed rappelle, expressément, à ce propos, qui sont :
c) Un refus conforme à deux principes aristotéliciens
1) Un principe intéressant le chaud et le froid qu’Aristote considère comme très actifs. Ils donneraient lieu à l’existence de la forme et de la matière de tout corps. Cependant la chaleur serait plus active, car elle serait la première responsable de cette existence ; la fonction physique du froid consisterait à modeler l’action génératrice de la chaleur.
2) Le second principe concerne l’humidité et la sécheresse et dit que ces dernières sont passives. La première permettrait au corps d’être mélangé avec d’autres, tandis que la seconde contribuerait à le doter d’une certaine forme(7).
Il est donc clair qu’Averroès refuse le point de vu de Gallien en adoptant ces deux principes aristotéliciens. Cette situation nous rappelle encore le siècle des Lumières où la critique, en physique, s’appuie, souvent, sur des bases cartésiennes et, principalement, newtoniennes(8).
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(7) L’esprit scientifique et la civilisation arabo-musulmane. Ibid p/p 31/35 et 113/115
(8) L’épistémologie scientifique des Lumières – (ibid) 149/155
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Conclusion : La cause de l’impossibilité d’une révolution.

-*‐ Les physiciens musulmans représentés, ici, par Ibn al Haythem, Birouni et Ibn Roshed, dans les textes indiqués, sont, certes, dotés d’un grand esprit critique à l’égard de la matière scientifique précédente, mais cette liberté de penser n’atteint pas les fondements de la science régnante et n’aboutit, par conséquent, pas à des révolutions.

-*‐ Cette situation nous a rappelé, toute proportion gardée, le dix-huitième siècle non musulman, où malgré l’effort de création de scientifiques de grand renom, l’essentiel de ce qui précède, c'est-à-dire les legs cartésien, leibnizien et newtonien, est conservé. Nous pouvons ajouter, à la liste, la science post einsteinienne et post quantique que nous vivons encore et où on maintient l’essence de la science einsteinienne et de la révolution quantique.

Il est plausible de noter que la raison de ce statut de la physique musulmane, rappelant celui de la science du 18éme siècle et celui de l’activité scientifique actuelle, est que les physiciens musulmans sont venus immédiatement après de grandes révolutions qu’ils étaient incapables de supplanter pour en produire d’autres. La même chose est vraie pour les deux autres termes de la comparaison.

-*‐ A ce niveau, on peut évoquer, très pertinemment, la théorie de Kuhn(9), mais il est possible, également de faire état d’une devise énoncée par Aristote, le grand maître des musulmans, dans le Traité du ciel(10), disant : «Il est juste, ou bien de ne pas ébranler les fondements d’une science ou bien de ne les ébranler que pour les remplacer par d’autres plus dignes de créance» ; ce qui signifie, selon l’abbé Grenet, commentant ce passage d’une manière fort juste, cette volonté de tout critiquer qui n’implique, aucunement, de repousser complètement ce qu’on n’est pas capable de remplacer d’une façon judicieuse(11).
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(9) La structure des révolutions scientifiques, Flammarion, 1983.
(10) III, 1, 299 a 5.
(11) Aristote, Vrin, 1962, Page 81.
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