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Les origines du prénom Mahomet.

Sasori

Well-known member
Salam alékoum,

Le fondateur de l’islam est désigné, en français, sous le nom de Mahomet, qui dérive de l’arabe Muhammad. Mais cette adaptation francisée n’est pas sans susciter la polémique, étant à l’origine chargée d’une connotation péjorative.

Mahomet ! Un prénom dont la simple évocation suscite bien des passions et des crispations. Au-delà des polémiques liées au message délivré par le prophète de l’islam, intéressons-nous à l’origine de ce nom.

Tout nom propre subit un phénomène d’altération lorsqu’il passe de sa langue d’origine à une langue d’accueil. Ce processus naturel est un effet de l’intégration linguistique. C’est l’avis savamment développé par Michel Masson, professeur à l’université Paris III, pour qui ladite intégration « peut aller de la simple adaptation au système phonologique (1)  » de la langue d’accueil « jusqu’à un remodelage » total du mot. Ainsi, des noms propres tels que Londres et Saladin, après avoir subi des altérations manifestes, ont intégré définitivement le « patrimoine de la langue d’accueil », en l’occurrence le français.

Muhammad, prénom arabe du prophète de l’islam signifiant littéralement « celui qui est digne de louange », n’a pas échappé à ce phénomène d’altération lors de sa réception dans le vaste monde chrétien, pratiquant entre autres les langues ibériques, romanes, germaines, etc., mais aussi, bien entendu, le latin.

Une opération de dénigrement

Cette altération naturelle n’est pas la seule à avoir apporté son écot à la transformation du prénom Muhammad. Un autre phénomène y a grandement contribué : il s’agit de l’altération volontaire à des fins dépréciatives. En effet, dans le sillage des croisades, les apologistes chrétiens ont travaillé à rendre la figure de Muhammad – considéré au mieux comme un dangereux hérétique, au pire comme un signe annonciateur de l’Antéchrist – aussi détestable que possible. Par conséquent, ils n’hésitèrent pas à déformer le nom Muhammad afin de l’arrimer à un « dispositif » linguistique « péjoratif ».

Ainsi ont été construits, dans différentes langues romanes, des qualificatifs péjoratifs à partir des termes MOM et MAR. Quelques exemples : « monstre » dérive de momo (1) en sarde, langue romane parlée en Sardaigne, maintes fois victime des incursions sarrasines ; tandis que « môme », en français, est un synonyme du nom « giton », signifiant homosexuel. Dans le Dictionnaire universel contenant tous les mots françois tant vieux que modernes (vol. II), l’auteur, Antoine Furetière, définit le terme « mommerie » par le déguisement festif, mais aussi par l’hypocrisie, la fourberie, la fausseté. Au reste, il rappelle à ses lecteurs que ce terme fut vraisemblablement associé, jadis, par les dévots, à la personne de Mahomet. Quant au nom « marmite », il peut être utilisé pour parler d’une prostituée et, enfin, un « marmouset » représente une statuette grotesque. Ce ne sont là que quelques illustrations montrant comment le prénom arabe Muhammad a pu être remodelé afin d’y intégrer les termes Ma(r) et le Mo(m) dont certaines extensions sont pour le moins péjoratives.

Le temps a gommé les stigmates

Or, de nombreuses chroniques écrites dans le sillage des croisades par des apologistes de la France capétienne, devenue Fille aînée de l’Église, mirent en avant le caractère dépravé, monstrueux, hypocrite et idolâtre de celui qu’ils nommèrent tour à tour Mathome (2), dans la Dei gesta per Francos du moine Guibert de Nogent, rédigée en 1108, Machomis (3) ou Machometi dans une biographie du prophète de Gautier de Compiègne, datant du XIIe siècle, ou encore Machomet (4) dans le Speculum historiale de Vincent de Beauvais, célèbre encyclopédiste du XIIIe siècle. Notons, en outre, que dans l’Angleterre médiévale, le prénom Muhammad s’altéra, parfois, jusqu’à l’épithète plus que dépréciatif Mahound : hound signifiant chien !

Moins polémiste, Matthieu Paris, bénédictin du XIIIe siècle, usa, dans sa Grande Chronique, du prénom Mahumeth pour décrire la loi sarrasine, « la plus immonde de toutes » selon ses dires. Pour finir, relevons que la fameuse Chanson de Roland, datant de l’an 1009, parla de mahommerie pour décrire le cloaque dans lequel les Sarrasins vouaient un culte diabolique à Mahon (5), entendez à Muhammad…

La construction du prénom Mahomet a donc été le fruit d’un processus historique complexe, entre altération naturelle du prénom arabe et dénigrement du Prophète à des fins apologétiques. À la Renaissance, dans la plupart des récits de voyage, des œuvres religieuses et des dictionnaires qui font leur timide apparition, l’usage du prénom Mahomet tend à se généraliser. Cela est si vrai que l’on parlera de mahométisme pour décrire le culte des adeptes du Prophète ; ces derniers devenant des mahométistes ou des mahométans.

Aujourd’hui, en France, le prénom Mahomet est totalement intégré au patrimoine de la langue de Molière. Sur le plan linguistique, le temps, qui a fait son œuvre, a totalement effacé les stigmates dépréciatifs que les dévots du Moyen-Âge avaient sciemment accolés à ce prénom pour rendre la personne du prophète aussi repoussante que possible. Ce processus de neutralisation sémantique s’amorça à la Renaissance à la faveur de l’humanisme balbutiant et du rationalisme naissant. Vidé de sa substance négative, sans signification particulière, Mahomet, à présent, est un prénom aussi neutre que le nom propre Londres ou Saladin.

Reste le message véhiculé par le prophète de l’islam. Un message au cœur de toutes les interrogations. Gageons que le temps, il en faudra, apaise les esprits à nouveau.

******
(1) À propos de la forme du nom de Mahomet, Michel Masson (Bulletin de la SELEFA, n°2, 2003).

(2) Geste de Dieu par les Francs. Histoire de la première croisade (Brepols, 1998).

(3) Les Sarrasins, John Tolan (Flammarion, 2003).

(4) « L’image de Mahomet et de l’Islam dans une grande encyclopédie du Moyen Âge, le Speculum historiale », Michel Tarayre, Le Moyen Âge, 2/2003 (Tome CIX).

(5) France-islam : le choc des préjugés, Malik Bezouh (Plon, 2015).

Source : https://voieduhanif.com/nos-articles/histoire/de-muhammad-a-mahomet/

Barak Allahou fikoum.
 
As Salamou 'Alaikoum
En Espagne nous connaissons très bien ces déformations. Depuis l'époque d'Al-Andalous le nom de notre prophète bien-aimé il a été rebaptisé MAHOMA, et c'est ce que tous les Espagnols ont connu depuis l'école primaire. Cependant, en Espagne, il n'est pas considéré comme un nom péjoratif, c'est juste une castillanisation d'un nom árabe, comme beaucoup d'autres mots d'origine arabe que nous avons dans la langue espagnole. Pour donner un exemple je pourrais me référer à la déformation du titre de Muhammad an-Nasir, khalifah de la dynastie almohade qui a été vaincu dans la bataille de Las Navas de Tolosa (1212), son titre était Amîr al-Mu'minîn (أمير المؤمنين), mais les chrétiens l'ont changé pour “Miramamolin”, ce serait un apocope du mot árabe, devant l'impossibilité des castillans de prononcer le mot árabe.
Autrement dit, il s'agit plus d'une adaptation à la langue maternelle, en raison d'une incapacité à prononcer et un manque d'intérêt pour la connaissance de la langue arabe.
 
Intéressant, mais même les pays musulmans non arabe détruisent des prénoms Arab/Musulman - déjà en Iran c'est un peut grave mais ça passe; mais quand tu va dans des pays comme le Turquie ou Russie, les noms ne sont plus reconnaissables
 
As Salamou 'Alaykoum
Oui, il est intéressant de voir comment l'orthographe des prénoms en arabe ont dégénéré dans de nombreuses régions du monde islamique et dans d'autres endroits où l'Islam faisait partie de leur civilization. On le voit dans le cas de l'Espagne. Comme je l'ai dit plus haut en Espagne la dégénérescence du prénom Muhammad, ce qui est arrivé à devenir MAHOMA, cela ne constitue pas un mépris pour le prenom et le personnage, c'est juste une adaptation à la manière habituelle de prononcer des mots d'une autre culture. Nous avons un exemple dans lequel le prenom MAHOMA il n'a pas pu être éradiqué de la toponymie espagnole. Je vais donner deux exemples:
1º.- Dans la province de Cadiz, situé à l'ouest de la Communauté d'Andalousie, il y a encore un villaje qui s'appelle BENAMAHOMA. Il n'est pas difficile de trouver l'origine de ce mot, ce serait une dégénérescence du mot Banu Muhammad (بنو محمد). Curieusement, après tant de siècles cette dénomination continue d'exister bien que leurs habitants ont oublié le sens.
2º.- Sur le mont ANETO, dans les Pyrénées de la province de Huesca, il y a un endroit appelé “Le passage de MAHOMA”, c'est un endroit très étroit et dangereux pour accéder au sommet de la montagne. Comme un fait curieux, je dirai que le passage reçoit ce nom car il faut glisser sur les genoux, il n'y a pas d'autre moyen d’accès.
Finalement, et comme un cas plus curieux encoré de la persistance du terme MAHOMA, je vais me référer à l'existence d'une montagne, situé en Colombie (pays hispanophone) qui s'appelle “Cerro MAHOMA” (cerro = colline). Sans doute un terme emporté par les Espagnols lors de la conquête de l'Amérique (ou par un musulman échappé à la cour de l'Inquisition).
 

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