Salâm aleykom,
Narima, voudrez-vous developper le sens du confluent des deux lumières, et tanzil et ta'wil? Bien sûr qund vous en aurez le temps. Merci
Pour le sens du « confluent des deux lumières » chez Fatima(as), il y aurait plusieurs façons d’envisager l’expression.
On sait que Dieu créa Mohammed(saw) et Ali(as) de Sa Lumière… Lumière primordiale qui passa ensuite de lombes en lombes jusqu’à se séparer en deux dans les reins de Abou Taleb pour l’un et de Moutalib pour l’autre, salut de Dieu sur eux.
Fatima, de par sa position, porte donc en elle la semence du Prophète(saw) mais est aussi le réceptacle de celle de Ali(as) puisque mariée à celui-ci. Ainsi, elle est celle en qui se rejoindront ces deux Lumières et qui aura la charge de la transmettre à ses descendants. Voilà un des sens possibles sur Fatima(as) en « confluent des deux lumières ». C’est en elle, héritière puis transmetteur, que les retrouvailles se dérouleront.
Le rôle du Prophète(saw) était la Révélation (tanzil). Or cette Révélation n’a de sens et n’est complète que si elle s’accompagne d’un ta’wil, c’est-à-dire d’une Explication, d’une reconduction mystique à la lettre du Livre qui est à la charge de l’Imâm.
La Vérité se manifeste ainsi sous deux aspects, un exotérique et un ésotérique, un contenant et un contenu, un apparent et un caché. Le passage de l’un à l’autre, du zâhir au bâtin, du tanzil au ta’wil se fait en et par Fatima(as), puisque par son père se clôt la Prophétie, la Loi, pour s’ouvrir par ses descendants sur la Voie spirituelle.
Elle est ainsi à la jonction de ces deux aspects de la Réalité, en ce sens, elle est le « Confluent des deux lumières », celle de la Prophétie et celle de l’Imamat. (c’est là aussi une façon de comprendre le « confluent des deux mers » : la rencontre entre l’ésotérique, eau douce et l’exotérique, eau salée….).
En réalité, sans elle, sans sa descendance, la Prophétie est une coque vide et n’a plus de raison d’être.
Pour revenir au sujet initial, j’aime bien cette similitude que l’on retrouve entre elle et l’eau justement puisqu’elle est dans le Coran cette source d’abondance, de vie.
Il serait intéressant de faire un rapprochement entre l’eau originel (liquide amniotique) dans lequel baigne le bébé et cette eau d’Al-Khawtar. C’est comme si, nous étions depuis toujours en train d’habiter cette matrice maternelle en attendant enfin le moment où nous pourrions naître à nous-mêmes. Et le contact avec cette Mère nourricière (nourriture au sens spirituel du terme) est perpétuellement maintenu par l’intermédiaire de l’Imâm, le cordon ombilical pour prolonger l’analogie qui sera coupé, bien entendu lorsque le souffle pénètrera pour la première fois dans le nourrisson… d’ailleurs certains font remonter son nom Fâtima non pas à sa racine traditionnelle
fatma, mais au Nom divin Fâtir, le Créateur…
Sur le nom Fâtir, un récit raconte comment dans la prééternité, Adâm et Eve (as), assistèrent au cours d'une cérémonie au Couronnement d'une Dame de Lumière, portant une Couronne (en symbolisme, son Père(saw)), un collier (l'Imâm Ali(as)) et deux boucles d'oreille (Hassan et Hosseyn(as))... la même idée surgit d'ailleurs d’une description du Jour de la Résurrection, où elle apparaîtra, aux Hommes incapables de lever les yeux sur elle, resplendissante de Lumière...
Un hadith énonce ainsi très clairement l’origine des noms des Cinq du Manteau(as) dérivant des Noms divins et inscrit en lettre de Lumière sur le Trône, et c’est lorsque Adam(as) questionna à propos d’eux, qu’Allah « lui enseigna tous les noms » (cf Coran).
Sur la notion de « ventre », on pourrait aussi se permettre un rapprochement avec la Sourate de la Caverne.... Fatima(as) étant souvent comparée à cette Caverne d'hospice, de refuge pour les Ahl-al-Kahf, berceau où ils trouvèrent asile... cela doit évidemment être mis en relation et avec l'Imâm Mahdi(as) et avec la notion d'occultation auquel le ventre (cf la Caverne) s'identifie parfaitement.
D'ailleurs pour reprendre les idées de départ, quand Moïse entre en occultation, c'est sur l'eau du Nil qu'on le déposera... de même, pour Joseph, c’est dans un puit que ses frères l’abandonneront…
On pourra aussi sans peine créer un rapprochement entre elle et Maryam(as), deux femmes « Bâtul »... sauf que si l'une ouvre la voie vers l'Immanence divine, l'autre ne vient que rappeler Sa Transcendance.... l'idée de Fatima(as) en tant que Nuit d'Al-Qadr, sur laquelle descendent les Anges et l'Esprit et qui est paix jusqu'au levée du jour, c'est-à-dire jusqu'à l'avènement du Messie (Mahdi) serait intéressant aussi à envisager... cette Nuit serait ainsi comme une période d’occultation…
Certains récits compare également Fatima(as) à la Mosquée de Jérusalem, lors de l'ascension nocturne du Prophète(saw).
Lorsque Ali Shariati aborde la notion du mi'râj du Prophète(saw), il classe deux aspects : l'aspect horizontal (de la Mosquée al-Harâm à Jérusalem) et l'autre vertical. Il indique que le sens ou plutôt l'un des sens profonds que l'on pourrait voir dans cela, c'est que le Prophète(saw) voulait indiquer par là la clôture de la Prophétie, en tant que Représentant (« Incarnation ») de tous les Prophètes et l'achèvement de la Religion (Loi) mais Religion en son origine première (« abrahamique ») c'est-à-dire, la Religion au coeur de toutes les autres, l'invitation à Dieu pour tous les Hommes.
D'où précisément ces lieux bien symboliques, Jérusalem représentant un lieu de perfection, emblème de toutes les Religions (il y aurait sûrement un lien à voir ici entre la Cité de Jérusalem et la Caverne des Ahl-al-Kahf, qui n’étaient ni juifs, ni musulmans, ni chrétiens). Fatima(as), symbole Totalisateur, symbole d'union et d'idéal.
De cette étape, vient le second voyage, essentiellement spirituel, qui est la montée à travers les sept Cieux, guidé par l'Ange Gabriel(as). Pour nous, il serait probablement question de parvenir, guidé par notre Imâm, à opérer des métamorphoses intérieures et spirituelles qui correspondraient donc aux sept Prophètes(as) ou niveaux de l'existence... Mais là où je voulais en venir (on va y arriver lol), c'est montrer comment une fois encore Fatima(as) posée ici en « Jérusalem » marque la jonction entre deux « pôles », elle témoigne ici de la fin de la Religion (en tant que Loi) et ouvre vers une envolée céleste. C'est en elle que s'opère cette formidable transformation. Elle est ainsi celle qui invite et convoque les Hommes à la Chevalerie spirituelle. Il est aussi intéressant à remarquer que l'horizontalité et la verticalité représentent respectivement le rôle du Prophète(saw) et puis celui de l'Imâm(as), se croisant en Fatima(as). Un hadith du Prophète(saw) à elle(as), raconte d’ailleurs que c’est sur le Rocher de Jérusalem, qu’il vit inscrit lors de son mir’âj la triple shahâda…
Il serait aussi attractif de s'arrêter sur la signification du symbole Jérusalem, puisqu'elle est dans la Religion judéo-chrétienne, la Terre promise, le Paradis... (en plus de rappeler la notion de Pacte, d'Alliance mais aussi de Temple!)... et si vous pensez que je veux entendre par là que Fatima(as) est le Paradis.... et bien vous avez pas tort ! lol...
On note aussi selon certaines traditions islamiques, qu'à la fin des Temps, Jésus(as) viendra du Temple de Jérusalem où y sera déposer la Balance... (Jésus(as) comme « renaissant » par la sortie du Temple (ventre) de Jérusalem (de Fatima(as)) et ramenant l'Imâm avec lui... lool
)
Plus sérieusement, il y aurait certainement beaucoup à voir ici dans la notion de « Jérusalem céleste » et de Temple….
Ou encore, en Fatima(as) comme « Terre Céleste », comme intermonde, ce qui pourrait nous amener à une autre façon de concevoir « le confluent des deux lumières » (ou mers), comme le proposait ihsan plus haut. Lieu nécessaire, indispensable où « les esprits peuvent se corporifier et les corps se spiritualiser » selon l’expression que reprendra Corbin… ce lieu est identifié d’ailleurs à l’endroit où réside l’Imâm caché…
En réalité, la notion d’eau me fait étrangement penser à l’occultation… d’où ce rapprochement que j’y vois avec le ventre et donc la Mère. Peut-être aussi parce que la mère représente la sécurité, l’asile, et que lorsqu’on est effrayé, c’est inévitablement vers elle que l’on se retourne… ou à défaut, c’est en position fœtale que l’on se maintient…
Et qui pourrait finalement mieux tenir ce rôle de Mère aimante, protectrice, qui priait toujours pour les autres, mais jamais pour elle-même, pleurant sur les morts et épanchant les blessures des combattants, qui pourrait mieux incarner l’Amour inconditionnel qui se donne sans distinction aucune que Zahra(as) elle-même… très certainement aussi parce qu’elle est la Vie, l’espoir qui lutte contre l’acharnement des injustes, et qu’indubitablement, c’est au sein de son Fils, l’Imâm, qu’elle nous allaite de la Connaissance…. Que Dieu la bénisse et la salue encore, encore et encore…
Tout cela pour arriver à cette constatation : l'éternelle position d'entre-deux que l'on retrouve, il me semble, parfaitement illustrée dans l'élément eau, parait sied totalement à la Figure de Fatima(as). De même, on la découvre dans les Cinq du Manteau, comme seule et unique femme, entourée symétriquement par les quatre autres hommes(as), elle est au coeur d'eux, comme le centre de la croix aux quatre extrémités.
De même lorsque Dieu fait mention d'elle dans le Coran, en citant un Tout puis en isolant une partie de celui-ci pour le mettre en valeur et aussi mieux l'honorer. Ainsi en est-il de Versets qui parlent du Coran et de la Fatiha, qui doit être quelque chose comme « par le Coran et les sept qui se répètent », ces derniers étant bien évidemment la Fatiha dite « la Mère du Livre »
identifiée par Fatima(as)... et qui dans un hadith correspond justement au nom du Premier monde que Dieu créa… ;-)
En fait, il y aurait tellement à dire sur elle, que l’illusion seule d’avoir fait le tour, ne ferait en fait que nous ramener au point de départ (j’aime cette idée de « tourner en rond autour d’elle » :icon_bigg).
J'espère que vous trouverez la sortie des méandres de ma pensée lol, je m'excuse, et merci pour cet échange, ça fait du bien de parler d’elle...
Que Dieu vous inonde....
de Sa Lumière,
Ma'a salâm.