Salâm salâm
Très cher Membre Sasori,
Il s'agit bien d'une descente comme le mot l'indique c'est-à-dire faire descendre
(tanzîl) cette Révélation depuis le monde supérieur.
Tanzîl désigne en propre la religion positive, la lettre de la Révélation dictée par l’Ange au Prophète. Mollâ Sadrâ formule la descente dans ses
Asrâr al-Âyat de la manière suivante:
« Sache que ce qui descend
(al-nâzil) de Dieu sur la plupart des prophètes, c’est le Livre, non pas la Parole. Le Qôran qui est descendu sur [c’est-à-dire a été révélé à] Mohammad, est à la fois Parole de Dieu et Livre de Dieu, d’un double point de vue. Mais les autres Livres célestes révélés aux autres prophètes ne sont pas Paroles de Dieu ; ce sont des Livres de Dieu qu’ils lisent et qu’ils écrivent de leurs mains. En tant que ce qui est descendu est Parole [Verbe] de Dieu, c’est une Lumière d’entre les lumières suprasensibles qui descend de Dieu sur le cœur de celui qu’Il veut parmi ses serviteurs bien-aimé… En tant que c’est un Livre, ce sont des empruntes, dessins, figures, et mots descendant en quelque sorte du ciel sur les feuillets que sont les cœurs des croyants et sur les tablettes que sont les âmes des chercheurs. D’autres les écrivent sur es feuillets et des tablettes matérielles, de sorte que chacun peut à son tour réciter. »
Ci-dessous pour en savoir plus
Indication concernant la Parole de Dieu et le Livre de Dieu
La Parole
(Kalâm Allâh) n’est pas telle que la professent les
ash’arites, lesquels font de la Parole un attribut résidant dans l’âme
(sifat nafsîya), consistant en idées et significations qui subsisteraient par l’Essence divine. Il n’en peut être ainsi, parce qu’il est impossible que l’Être divin soit un substrat pour quelque chose d’autre. La Parole de Dieu ne désigne pas non plus < comme l’ont pensé les
mo’tazilites > la création des sons et de lettres ayant une signification, parce qu’alors il s’ensuivrait que toute parole fût Parole de Dieu. En outre, son impératif et son dire
(qawl) précèdent tout existant, comme Il le déclare : « Son impératif, lorsqu’Il veut une chose, consiste à lui dire : Sois, et elle est » (36 : 82). Ou mieux dit : la Parole de Dieu [le Verbe divin] désigne la production de Paroles parfaites [Verbes parfaits,
Kalimât tâmmât] et l’émission de « Signes immuables qui sont l’archétype du Livre
(Om al-Kitâb) et d’autres qui sont métaphoriques » (3 : 5) sous le revêtement des mots et des expressions allusives. Il le dit encore : « Le Christ, 'Isâ ibn Maryam, était son Envoyé et sa Parole qu’il projeta en Maryam et un Esprit de lui » (4 : 169). Et dans un
hadîth il est déclaré : « Je prends refuge auprès de toutes les Paroles Parfaites de Dieu contre le mal de ce qui est créaturel.
Et la Parole qui descend d’auprès de Dieu est Parole sous un aspect, et elle est Livre sous un autre aspect. La Parole, du fait qu’elle appartienne au monde de l’Impératif
(‘alam al-Amr) est autre que le Livre, puisque celui-ci appartient au monde du créaturel
(‘alam al-khalq). Le sujet parlant (le
motakallim), c’est celui par qui subsiste la Parole, de la même manière que l’existant subsiste par son existentiateur. L’écrivain
(kâtib), c’est celui qui fait exister la Parole, je veux dire le Livre. Parole et Livre comporte des qualifications et des demeures différentes. Quiconque profère une parole [un discours] est aussi, en un certain sens, quelqu’un qui écrit, et quelqu’un qui écrit profère un discours en un certain sens. Nous en avons l’exemple dans ce qui en témoigne en nous. Lorsque l’homme profère une parole, c’est que celle-ci a émané de son âme sur la tablette de son cœur [son imagination et sa représentation], et que les différents organes servant d’issues aux lettres ont donné forme et figure à ces lettres en les prononçant. Son âme est donc ce qui a fait exister la Parole. Il est écrivain, en tant qu’avec le calame de sa puissance il produit les lettres sur la tablette de son cœur, dans les gradations de a voix et le cours de son souffle, tandis que sa personne physique est ce par quoi subsiste la Parole, et que, sous ce rapport, il est sujet parlant.
Enfin, la Parole est sous un aspect Qorân [conjonction] et sous un autre aspect elle est forqân [disjonction] < elle est
Qorân sous l’aspect de l’unité et de la coalescence, elle est
forqân sous l’aspect de la multiplicité et de la différenciation >. Parce qu’elle appartient au monde de l’Impératif, la Parole a les cœurs pour demeure : « Elle est dans les cœurs des croyants, et ne la perçoivent que ceux qui ont reçu la connaissance » (29 : 48) « et ne la comprennent que ceux qui savent » (29 : 42). Quant au Livre, parce qu’il appartient au monde créaturel, il a pour demeure les Tables écrites qui ont une dimension et que tout un chacun peut percevoir, comme Dieu le dit dans ce verset : « Nous avons écrit pour lui [Moïse] sur les Tables une exhortation en chaque chose » (7 : 142). La Parole, « nul ne la touche hormis les purs » (56 : 78) ; elle est un Qorân auguste » (56 : 76), ayant un rang sublime sur une
Tabula secreta (
lawh mahfûz, 85 : 22) « que nul ne touche hormis les purs, c’est une révélation du Seigneur des mondes » (56 : 78-79). Cette révélation du Seigneur des mondes [cette descente,
tanzîl], c’est précisément le Livre.
LE LIVRE DES PENETRATIONS METAPHYSIQUES - PAGE 148-149
Le phénomène religieux shî'ite se différencie de l’Islam sunnite en tant qu’il postule, comme son fondement même, une herméneutique spirituelle
(ta’wîl) du Livre saint, du Qorân. Cette exigence dérive elle-même d’une conception théologique et théosophique qui fait l’originalité et la richesse du shî'isme, si bien que la question posée de bonne heure en Islam sunnite concernant la nature créée et incréée du Qorân y apparaît comme mal posée, parce que privée de l’horizon métaphysique qu’elle présuppose. C’est au shî'isme que la pensée islamique est redevable d’une prophétologie et d’une philosophie prophétique. Et cette prophétologie se caractérise par le fait que la mission des prophètes-envoyés (à la fois
Nabî et
Rasûl), chargés de révéler aux hommes un Livre saint, y est inséparable de la
walâyat, c’est-à-dire de la qualification spirituelle des Imâms, successeurs du Prophète, comme « Amis de Dieu »
(Awliyâ’Allâh), auxquels est confiée, en tant que « Guides spirituels », « Mainteneurs du Livre », la tâche d’initier les hommes à son sens vrai.
Prophétie et Imamat (ou
walâyat) correspond à un double mouvement cosmique :
mabda’ et
ma’ad, genèse et retour, descente et remontée à l’origine. A ce double mouvement correspond d’une part le
tanzîl, la Révélation, qui est l’acte de faire descendre le Livre saint dont le Prophète est chargé d’énoncer la lettre (la
sharî’at, la Loi, la religion positive), et d’autre part le
ta’wîl qui est l’acte de reconduire la lettre de la Révélation à son sens vrai,
exêgêsis spirituelle qui est le ministère de l’Imâm.
A l’horizon métaphysique Mollâ Sadrâ nous communique également ceci :
« Sache que les esprits sont tous créés d’un seul et unique esprit, qui est l’esprit prophétique
(rûh al-nabî). L’esprit prophétique est le fondement des esprits, ce pour quoi il est nommé « Mère », c’est-à-dire « Mère des esprits », de même que la tablette bien gardée est la mère du Livre, parce qu’elle est la base de l’inscription du Livre. De même qu’Adam est le Père du genre humain et le
Khalife de Dieu sur la terre, le Prophète est le Père des esprits et le
Khalife de Dieu dans le monde des esprits. L’esprit est donc le
khalife de Dieu et le rassembleur des attributs divins essentiels, comme la science, la vie, la puissance, la volonté, l’audition, la vue, la parole et la permanence. Le corps est le
khalife de l’esprit et il est le rassembleur de ses attributs ».
L’homme a pour Père historique le khalife de Dieu Adam dans le monde apparent créaturel et temporel, et pour Père spirituel Muhammad, dans le monde de l’impératif, caché, intérieur et permanent. La destinée de l’homme se résume en la réconciliation de ces deux origines, de ces deux fonctions
khalifales. La médiation de l’une à l’autre est la Mère des esprits, l’esprit impératif divin insufflé dans les prophètes.
Cette interprétation de l’histoire prophétique de l’humanité nous semble déterminée par la distinction que fait Sadrâ au sein même de l’unité de l’esprit. Muhammad est, dans le monde de l’impératif, ce qu’est Adam dans l’ordre temporel et historique. Il faut que les fils d’Adam, dans le retour qu’ils font vers leur origine spirituelle, rejoignent leur Mère, l’esprit, comme le Livre saint doit être reconduit à son archétype ésotérique, la Mère du Livre, séjournant dans le monde de l’impératif. Ce retour ne peut se faire que grâce à une exégèse de la réalité muhammadienne éternelle, comprenant les réalités lumineuses des Quatorze Immaculés, réalité fondamentale et première dans le monde de l’impératif, paternité de l’humanité.
La réalité prophétique éternelle n’est autre, en effet, que la réalité muhammadienne éternelle. Celle-ci est la réalité première où Dieu se donne à connaître, où il sort de son secret au plan de l’essence indicible : « Lorsque Dieu créa l’esprit prophétique, il était Dieu et il n’y avait avec Lui aucune autre chose qu’accompagnât l’esprit ou avec quoi il fût en relation, autre que Dieu. Non, l’esprit prophétique fut la première chose à quoi s’attacha la puissance pré-éternelle. C’est pourquoi la noblesse de l’esprit provient de l’ennoblissement de la relation de Dieu avec soi-même, et Dieu le nomma « mon esprit », de même que fut nommée la première demeure où résidèrent les hommes, et dont la noblesse tient à la relation de Dieu à soi-même, et Dieu dit « Ma Maison ». Puis, lorsque Dieu voulut créer Adam et insuffler en lui de son Esprit, c’est-à-dire de l’Esprit relié à Soi-même, ce fut l’Esprit prophétique, comme le dit le verset : « Quand je l’aurai façonné et que j’aurai insufflé en lui de mon Esprit ». Dieu ne dit pas « J’aurai insufflé en lui mon Esprit », sans le mot « De », afin que ce soit la preuve de ce que l’Esprit insufflé en Adam est par soi-même l’Esprit prophétique. Mais l’esprit d’Adam est engendré, tandis que le Prophète (Muhammad) est le Père spirituel du genre humain et des autres prophètes, tandis que le Père du genre humain (Adam) est le Père corporel du Prophète et des autres hommes.
Conclusion:
L'aventure de notre monde, c’est l’aventure de quelqu’un qu’il s’agit de faire remonter du fond d’un puits. De moment en moment, il atteint à un certain niveau du puits ; de niveau en niveau, il atteint au niveau supérieur. Chaque fois il a sous ses pieds le niveau dépassé. Quiconque sait regarder avec l’organe de la vue intérieure verra ainsi sous ses pieds les temps passés, de plus en plus opaques, denses et ténébreux, tandis que, jour après jour, continue de monter le temps, se rapprochant de la Volonté primordiale et devenant plus lumineux, plus subtil. Représentons-nous un être qui descendrait du Ciel et pénétrerait dans la Sphère de l’air élémentaire ; descendant encore, il pénétrerait dans la Sphère de la vapeur atmosphérique ; descendant encore, il pénétrerait successivement dans la Sphère des nuées, puis dans l’eau de l’océan, puis dans les entrailles de la Terre.
Alors on lui dirait : « Maintenant, remonte. » Le voici qui s’élève, sort de l’obscurité de la Terre, pénètre dans la Sphère de l’eau, en traverse la densité, et successivement franchit les Sphères des nuées et de la vapeur. Émergeant de cette dernière, il pénètre dans l’air à l’état pur. Ses yeux contemplent tout alentour ; il respire à longs traits ; il est délivré des étroitesses où l’on étouffe ; il s’abandonne à la détente d’une immense quiétude ; il respire enfin à l’aise. Eh bien! telle est précisément l’histoire spirituelle de notre monde. Car ce monde était descendu jusqu’au sein de la Terre, lorsque à l’époque d’Adam il lui fut dit : « Maintenant, remonte. » Cette remontée, il est en train de l’effectuer ; il n’est pas encore délivré des pesanteurs et des aspérités, des ténèbres et des brumes. Il n’a pas encore émergé à l’air pur. Mais une fois sortis de ces brumes et ayant pénétré dans l’air pur, alors les hommes contemplent le soleil de la Face de l’Ami, l’Imâm.
Source:
al-iman.com